Dès lors que l'homme est conçu dans une rencontre, au creux des entrailles de la femme la parole se fait chair. La parole incarnée distingue le genre humain des autres espèces. Dans le genre humain, la Vie s'engendre et se révèle. Elle parle. Et en parlant le monde, elle le fait vivre.
L'homme est un dans cette différence-là : son nom est sa chair. Dès que le corps n'est plus animé par le souffle de la parole par l'esprit il n'est plus un homme de chair et de sang. C'est si vrai qu'il suffit qu'un nouveau-né reste insensible à la voix ou ne sourie pas pour que les parents se trouvent remis en cause dans leur identité d'hommes.
L'homme naît à la vie lorsqu'il est appelé par son nom dans un corps : il est engendré. « C’est pourquoi, en entrant dans le monde le Christ dit : Tu n'as voulu ni sacrifice ni oblation, mais tu m'as façonné un corps. (...) Alors j'ai dit : Voici, je viens, car c'est de moi qu'il est question dans le rouleau du livre pour faire ô Dieu, ta volonté" » (He 10,5.7).
Osons la métaphore : la chair est le rouleau du livre dans lequel s'inscrivent les vivants. Nous éprouvons notre naissance comme la paradoxale initiative d'une réponse à ce qui parle en nous. Quand l'homme obéit à ce qui parle en lui en esprit et en vérité, il fait l'expérience du don de la Vie II est Parole reçue dans l'acte où elle se donne en naissant de lui pour d'autres.
La parole ne spécifie l'homme en tant que membre du genre humain que parce qu'elle est incarnée. Elle est inscrite dans le rouleau, dans le livre de la Vie. Il n'y a de rencontre d'alliance qu'à cette condition d'une incarnation originelle L'homme s'y réfère comme à son origine. Le mot « origine », en effet est dérivé d'oriri : « se lever » (surtout quand il s'agit d'un astre), « s'élancer hors de » et « naître ».
L'homme ne naît pas de l'image qu'il a de son corps mais de la chair qu'il habite II naît de la Vie promise. Il est appelé, dans son corps, à passer de la représentation imaginaire qu'il a de lui dans le monde — son roman — à