Cerf, coll. « S ciences humaines et religion », 2006, 381 p., 39 euros.

Vous intéressez-vous à la mystique féminine ? Si oui, précipitez-vous sans retard sur cet ouvrage capital, et qui sera désormais votre vade-mecum. Au fil de ces sept portraits qu’il brosse avec une évidente sympathie (Marie- Aimée de Jésus Quoniam, Élisabeth de la Trinité, Marie Odiot de la Paillonne, Cécile Bruyère, Élisabeth Lesoeur, Jeanne Schmitz-Rouly, Marie Kahil, Camille C.), au gré de ces destins qu’il scrute d’une plume enlevée et d’un charme irrésistible, Dominique-Marie Dauzet, religieux prémontré, reprend quelques-uns des dossiers, parfois conflictuels, où a pu s’enliser l’histoire de la spiritualité et nous ouvre des horizons prometteurs et apaisants.
Ainsi sommes-nous délivrés, avec toute la rigueur souhaitable, de l’illusion de la « psycho-histoire » – qui mêlait psychanalyse et sociologie historique – pour rendre compte des faits mystiques. L’auteur ne sacrifie pas pour autant la psychanalyse sur l’autel de la dévotion, mais il la maintient courtoisement dans son site d’autorité propre. De ce fait, il donne des aperçus décisifs sur le couple formé par la femme mystique et son directeur, autrement dit sur la relation entre l’individualité de l’expérience et l’instance institutionnelle qui la « tempère » (au sens musical du terme).
Dans le vaste champ de cette littérature spirituelle, le P. Dauzet s’attache à éclairer l’articulation entre souffrir et écrire. La mystique est donc affaire de souffrance, et non de douleur – souffrance souvent atroce, aggravée par le désarroi du Désir qui n’a pas (ou plus) de répondant. L’écriture répond ainsi à l’irrépressible besoin de s’évader de l’enfermement carcéral (de la maladie, de la mélancolie, du cloître ou de la vie mondaine). L’expérience de ces femmes, qui n’est pas sans rappeler celle des Pères du Désert, côtoie dangereusement la limite de l’extrême, où seule l’écriture leur permet de tenir, non pas comme un soulagement ou une thérapie, mais en ce qu’elle transmet...
On voit ainsi se dessiner en filigrane l’idée que la mystique se constitue des réseaux et instaure courants et généalogies au travers des générations.