Christus : Quels sont vos liens respectifs avec le théâtre ?

Benoît de Maintenant : Jésuite depuis onze ans, je suis plutôt un cérébral et un observateur, quelqu'un « dans la tête ». Avant de devenir jésuite, j'ai suivi une formation en gestion, puis j'ai travaillé comme auditeur. Dans mon milieu professionnel, il y avait peu d'humour, la cravate était serrée haut, le costume noir, la chemise blanche… bref, un homme sérieux. Jeune, plutôt réservé, j'avais peu d'amis mais des amitiés de qualité. Et puis, vers la vingtaine, je découvre que je peux amuser la galerie. Un registre nouveau émerge, différent de cette partie de moi qui aime le silence et le calme. Des amies me poussent vers le théâtre, j'y vais à reculons et je m'y lâche finalement ! Coexistent alors deux « facettes » en moi, qui me semblaient antinomiques : le réservé et le fanfaron, celui qui observe et celui qui gesticule. J'entre dans la Compagnie de Jésus en me disant que je ne ferai plus de théâtre, sauf si cela sert le Christ. Patatras ! On me fait rencontrer Valérie Castel Jordy et la pièce de Gaël Giraud Chemins vers la Soif ou l'affaire Loyola… Je suis donc un cérébral qui a découvert, grâce à une retraite, qu'il avait des émotions et, par le théâtre, qu'il pouvait les transmettre. Le théâtre est pour moi le lieu de visibilité de ce que je vis et ressens. Quand je dis une plaisanterie, c'est que j'ai perçu une étincelle de vérité avant, et je ne la perçois qu'en faisant la blague. Depuis six ans, je suis présent auprès de jeunes en école d'ingénieurs ou de commerce. Depuis septembre, je suis préfet des études à Ginette, dans la continuité de ce que je faisais auparavant : accompagner des jeunes intelligents et parfois cérébraux, mais qui ne savent pas forcément où ils vont, qui ne savent pas toujours ce qu'ils ressentent.

Valérie Castel Jordy : Mon goût pour le théâtre vient à la fois des jeux de l'enfance et d'une pratique au lycée et à