Le chrétien actuel a bien du mal à entendre et à comprendre certaines critiques adressées dans notre culture à l'univers de la foi et de la croyance. Il a le sentiment et l'expérience que son adhésion à Jésus Christ est le fruit d'une option libre, tant il est vrai que ce n'est guère la mentalité commune, l'unanimité sociale, le conformisme ambiant qui contribuent beaucoup à pousser vers le « monde de la religion ». Bien au contraire. Mais la critique se déplace souvent, et ce qu'il entend ne le surprend pas moins. Sans doute, objecte-t-on, ce n'est pas ou ce n'est plus guère le conditionnement social qui porte à la foi ; mais, dans ce que vous appelez votre adhésion libre, se cache un réseau de forces ou de pulsions, plus ou moins conscientes ; dans le désir que vous avez de croire se cache la peur devant la vie ou le monde ou l'avenir. Du coup, votre prétendue liberté n'est qu'une illusion qui cache une absence de liberté devant le tragique du réel et une fixation peureuse à vous-mêmes. À quoi s'ajoute que parler de liberté du croyant en fait sourire plus d'un : la vie chrétienne ne suppose-t-elle pas obéissance à Dieu, soumission à ses commandements ou à sa volonté, fidélité à une tradition morale et ecclésiale encombrée d'interdits et de prescriptions de tous ordres ? Comment conjuguer à la fois obéissance et liberté ? Se soumettre à Dieu, n'est-ce pas se démettre humainement ? Se plier aux injonctions (arbitraires ?) d'une Église, n'est-ce pas renoncer à son libre arbitre, à son pouvoir de juger ? Et, si, malgré tout, le chrétien persiste à parler de liberté, n'est-ce pas, à nouveau, que ce terme est trompeur et que sa liberté n'est pas la vraie liberté de l'homme conscient de ses pouvoirs et jugeant par lui-même de ce qu'il en est des choses ?

Une liberté contestée

De telles critiques sont à prendre au sérieux. Si sérieusement même qu'avant de se culpabiliser, de battre sa coulpe ou, comme on dit dans un langage quelque peu policier, de se « laisser interpeller », le croyant doit aussi « interpeller l'interpellateur ». Non point pour se cacher la tête dans le sable et prétendre échapper à la critique. Mais, très simplement, parce que, si ce soupçon est vrai, il faut le porter aussi sur celui qui le développe. Si la tentation de la peur conduit à s'enfermer dans des systèmes ou à s'assurer de l'avenir dans des croyances, pourquoi le non-croyant lui-même ne pourrait-il pas connaître aussi quelque chose de la peur et du refus ? Et surtout, une fois passés les grands éblouissements provoqués par la vigueur et la rudesse des critiques rationalistes, chacun peut constater que le non-croyant lui-même, qui prétend échapper aux enfermements et aux pièges de l'illusion, est extraordinairement porté à en reproduire d'autres : il y a peu, un célèbre prix Nobel, très critique à l'égard de l'univers religieux, a développé un scientisme et un rationalisme si naïfs qu'on