Ce livre nous fait cheminer dans l'Écriture et la tradition chrétienne qui ont pétri celui qui est l'un des plus éminents théologiens de la période qui a suivi le concile Vatican II. Ce retour aux sources est motivé par son désir de rendre compte de l'espérance chrétienne en ces temps marqués par le désespoir mais aussi la quête de sens. Ce livre approfondit « la joie de l'Évangile » qui est le cœur de l'expérience chrétienne. En cela, il s'inscrit dans la ligne du pape François qui a fait de la joie la thématique principale de son pontificat.

D'où vient ce vide intérieur qu'éprouve souvent l'homme contemporain ? L'auteur voit, dans cette forme nouvelle d'acédie, l'un des effets de la sécularisation. Il interroge aussi bien les pratiques ecclésiales qui négligent la pauvreté évangélique, qu'une philosophie de l'existence focalisée sur l'angoisse et oublieuse de la joie. Les Pères du désert et la grande scolastique offrent des voies pour retrouver l'espérance et sortir de la tentation de l'acédie qui peut affecter l'Église. Nous sommes alors reconduits au chemin de la foi et à son expérience de liberté d'enfant de Dieu. La joie de notre salut trouve sa source dans la libération qu'opère Jésus Christ en vue de servir Dieu et le prochain avec un amour désintéressé. Relisant les Écritures à partir d'une anthropologie du don et du consentement, Mgr Walter Kasper montre comment la révélation biblique éclaire cette aspiration au bonheur et présente la joie comme un art de vivre. Les grandes traditions spirituelles ont, elles aussi, déployé une théologie de la joie à partir de l'expérience de communion avec Dieu. Cette participation à cette béatitude est nourrie d'une amitié avec Dieu qu'il nous offre inlassablement et que nous goûtons dans la prière et l'hospitalité chrétienne. On sera alors étonné des pistes inédites qu'ouvre cette théologie de l'amitié pour un renouvellement de l'Église. L'auteur rappelle « le caractère révolutionnaire de la conception biblique de l'amitié ». Il se révèle à son paroxysme avec la parole de Jésus : « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis » (Jn 15,15). Dans 3 Jean 15, les chrétiens se saluent comme des « amis ». Cette appellation s'est effacée au profit de « frères et sœurs » car les chrétiens voulaient se différencier des adeptes de la gnose qui s'interpellaient eux-mêmes comme « amis ». Certes, l'Église n'est pas un cercle d'amis qui se choisissent de manière exclusive, mais l'Église – comme institution qui d'abord se reçoit – trouve sa vitalité à travers les amitiés qui se tissent en son sein et qui la font vivre. Ces relations d'amitié au sein de l'Église sont l'expression de notre liberté, c'est-à-dire de notre décision d'aimer nos frères et sœurs. Pour vivre cette ecclésiologie de l'amitié, Kasper met en avant la forme ecclésiale primitive qu'est « l'Église domestique ». C'est à l'échelle de la « maisonnée » que les relations d'amitié se vivent dans l'Église. Kasper montre, à travers plusieurs exemples, que les cercles d'amis ont souvent « préparé et ouvert la voie à un réveil de l'Église catholique ».

Après son livre sur La miséricorde (Éditions des Béatitudes, 2015), le cardinal Walter Kasper confirme le tournant spirituel et politique de sa théologie fondée aujourd'hui sur « une mystique des yeux ouverts », conduisant à être miséricordieux comme le Père.