« Comme un grand Ave de grâce sur nos pas nous suit au loin le chant de pur lignage ; et il y a un si long temps que veille en nous cette affre de douceur... »
Saint-John Perse, Neiges, III

La douceur, comme l'eau plane et limpide d'un lac, recèle des forces et des ombres dont on ne soupçonne pas toujours l'étendue, la profondeur, la capacité de « faire violence ». « Prends garde à la douceur des choses », dit un vers célèbre de Paul-Jean Toulet. Prendre garde n'est ici nullement à entendre au sens de méfiance mais à celui d'attention à porter à cette fausse évidence qu'est la douceur véritable et de prendre en considération ses diverses façons de se manifester, qui toutes sont discrètes, parfois jusqu'au secret, et toutes bouleversantes, certaines pouvant conduire à des affres d'amour. La douceur, dans sa simplicité apparente, est traversée de paradoxes.

Bonté
Et tu boiras le Vin de la vigne immuable
Dont la force, dont la douceur, dont la bonté
Feront germer ton sang à l'immortalité.
Paul Verlaine, Sagesse, II, IV, 7

Comme tant d'autres mots relevant du lexique de la bonté (indulgence, compassion, bienveillance, pitié, miséricorde, etc.), la douceur est souvent suspectée de mollesse, de fadeur, d'affèterie