
La douceur, comme l'eau plane et limpide d'un lac, recèle des forces et des ombres dont on ne soupçonne pas toujours l'étendue, la profondeur, la capacité de « faire violence ». « Prends garde à la douceur des choses », dit un vers célèbre de Paul-Jean Toulet. Prendre garde n'est ici nullement à entendre au sens de méfiance mais à celui d'attention à porter à cette fausse évidence qu'est la douceur véritable et de prendre en considération ses diverses façons de se manifester, qui toutes sont discrètes, parfois jusqu'au secret, et toutes bouleversantes, certaines pouvant conduire à des affres d'amour. La douceur, dans sa simplicité apparente, est traversée de paradoxes.
Comme tant d'autres mots relevant du lexique de la bonté (indulgence, compassion, bienveillance, pitié, miséricorde, etc.), la douceur est souvent suspectée de mollesse, de fadeur, d'affèterie ou de faiblesse. Or la vraie douceur s'oppose moins à la brutalité qu'au douceâtre et au doucereux, à la complaisance et à la mièvrerie, et elle ne déploie toute sa valeur et sa fécondité que si elle s'inscrit précisément dans le champ de la bonté – elle-même expurgée de tout préjugé minorant –, c'est-à-dire si elle est sincère, simple et entière, « sans grimace ni comédie », comme le précise Marc Aurèle qui la dit « invincible si elle est véritable ».
La relation entre la...