Dans le corps se joue l’acte de Dieu. Dans le corps actuel ainsi que dans l’histoire corporelle qui nous constitue et qui est unique.
Il agit dans le corps en croissance, dans le corps heureux et dans le corps en souffrance. Dans ce que nous ne suscitons pas et ne dominons guère, il nous crée et nous modèle. La confiance dans l’acte de Dieu à ce niveau tout à fait radical, cette confiance que, par Dieu, la vie travaille à la vie, autorise à en parler un peu, en particulier dans les événements décisifs de l’existence corporelle. L’un d’eux, qui ne concerne pas seulement les femmes, est l’accouchement, la mise au monde par une femme de son bébé. En conduisant une réflexion sur cet événement de la vie, nous porterons notre attention sur les alternances d’activité et de passivité dans l’accouchement ; non pas uniquement l’activité et la passivité nécessaires pour accoucher, mais celles des dispositions intérieures qui accompagnent les différentes phases de cette aventure. Car c’est autant dans l’activité physique que dans la passivité que Dieu agit en nous, mais non pas de la même manière.

Dans la passivité originaire de la vie


La femme qui accouche découvre une puissance qui ne dépend pas particulièrement de son intention. Somatiquement et émotionnellement, bien qu’elle soit en pleine action, la femme subit ce qui lui arrive : alors qu’elle use de toutes ses forces, elle s’inscrit dans la passivité originaire de la vie qui la traverse. Sa volonté, son intention et son savoir ne sont pas causes de l’acte qu’elle effectue, et elle le sait de façon sourde. Elle peut connaître ou ignorer le processus biologique qui l’étreint, elle peut situer ou confondre les différentes phases traversées, cela ne change rien à sa passivité radicale devant ce dont il s’agit : elle pourrait le vouloir sans que rien n’advienne, et elle va résister sans aucun effet à ce qui l’envahit. La naissance est puissance, et la femme l’est alors par participation à ce qui se joue en elle et qu’il convient qu’elle favorise sans trop l’entraver, car elle ne peut rien contre : elle le sait depuis quelques mois déjà. Le corps précède la volonté. Par le corps, l’oeuvre de Dieu s’étend dans notre force comme entre nos refus. L’acte de Dieu, dans l’histoire personnelle et collective des hommes comme dans la mise au monde de l’enfant, se joue dans l’acte des hommes. Nous chercherons à dire un peu, dans ces pages, comment il travaille 1, et pour cela prendrons appui sur une lecture de la Sentence ignatienne de l’agir. Cette sentence, attribuée au jésuite hongrois Hevenesi, formule avec densité le rapport entre l’acte de foi du croyant et l’acte de Dieu par lui. Elle s’énonce ainsi :

« Sic Deo fide
quasi rerum successus
omnis a te, nihil a Deo penderet ;
Ita tamen iis operam omnem admove
quasi tu nihil
Deus omnia solus sit facturus. »


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