
Les images apparaissent au détour d'une page, dans un missel fatigué ou une bible reçue pour une profession de foi. Elles sont sépia, monochrome, aux couleurs criardes ; leur bordure est lisse ou entourée de dentelle. Décriées voire moquées, gardées avec soin ou facilement abandonnées, les images de piété appartiennent à un univers dévotionnel où coexistent chapelets, statuettes en plâtre et icônes. Populaires en tant qu'elles sont largement distribuées et qu'elles rejoignent les plus modestes, elles ont longtemps été dédaignées par les historiens d'art qui les ont volontiers laissées aux anthropologues. Il serait cependant regrettable de négliger leur importance car on ne voit bien que ce qui est loin de soi. À l'intime de nos vies, l'image pieuse révèle un rapport à Dieu et au monde qui n'est pas aisément conscientisé. Ces fines feuilles de papier auraient plus à nous dire que ce que leur banalité dissimule.
Les images de piété viennent nous rappeler que, loin d'être seulement explicative ou de l'ordre d'un loisir, l'œuvre picturale a également une dimension spirituelle. Ces images font écho à cette formule de Michel de Certeau dans La faiblesse de croire (Seuil, 1987) : « L'orant ne prie pas seulement au milieu des choses mais avec elles. » Elles s'insèrent dans une longue tradition de l'image comme support de prière personnelle : on peut penser aux enluminures de manuscrits et aux tableaux de dévotion, en passant par les images évangéliques de Jérôme Nadal à qui Ignace de Loyola avait demandé de concevoir un ouvrage soutenant la méditation des novices. Plus tard, les tableaux de mission que sont les taolennou de Michel Le Nobletz, utilisés pour l'évangélisation de la Bretagne au XVIIe siècle1, entreront dans la même démarche, entre méditation de la Parole et médiation de l'image.
Avec le développement de la gravure sur bois puis sur cuivre, les images se diffusent à partir d'Anvers au XVIe siècle. Elles reprennent des peintures d'artistes tels que Bosch, Dürer ou Cranach l'Ancien. Leur multiplication s'explique par la technique de l'impression ainsi que par le contexte de la Réforme catholique. Le lieu de production va progressivement se déplacer vers la France, notamment Paris. Dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début de XXe, elles seront produites en masse dans le quartier de Sain...