L’indifférence religieuse dans l'entreprise est-elle une surprise ? L'entreprise est au cœur de la vie sociale des sociétés occidentales, elles-mêmes soumises à un phénomène de sécularisation qui rejette la religion dans la sphère privée. Pourquoi et comment la religion pourrait-elle avoir une place dans le monde économique, quand celui-ci est soumis à l'idéologie dominante et la réalité concrète du capitalisme financier, libéral et mondialisé ? L'indifférence, au sens de la séparation des domaines, est un constat que de nombreux chrétiens sont tentés d'accepter et auquel ils se soumettent au prix d'une crise de conscience douloureuse. À l'extrême, on rencontre chez certains, particulièrement chez les managers et les patrons, un comportement quasi schizophrénique. Beaucoup s'interrogent en cherchant à concilier vie professionnelle et vie de foi. L'indifférence interpelle alors la conscience croyante, car elle est source de division et, en ce sens, littéralement « diabolique » 1. L'interpellation passe par le caractère polysémique du mot « indifférence ». N'est-il pas utilisé dans le registre amoureux pour signifier la résistance à une relation proposée : « Je reste indifférent à ses avances »? Ou ne peut-il pas signifier la « non-différence » ?
Peut-on voir dans l'indifférence une « pro-vocation » pour le chrétien, un appel à vivre sa vocation, une tension exigeante un appel au discernement et à la confiance dans un travail de conversion permanent ? À première vue, le défi est grand, car l'adversaire est redoutable ; des expériences proprement chrétiennes sont cependant repérables dans le monde de l'entreprise et la foi chrétienne peut sans doute ouvrir des pistes pour un nouveau modèle de management qui vienne en relais d'un système étouffant bon nombre de ceux qui le servent.

Un constat


Le règlement intérieur, daté de 1880, d'une entreprise française prévoyait en ses articles 1 et 3 : « Piété, propreté et ponctualité font la force d'une bonne affaire » et « Des prières seront dites chaque matin dans