Cette première réflexion en entraîne immédiatement une seconde : l'événement, une fois coulé dans un récit, devient « message ». Les récits en tant que tels peuvent être rédigés dans des buts très divers, et il n'est pas nécessaire d'insister sur ce truisme. Dans le texte de Paul que nous venons de citer, le but est précisé : les récits bibliques ont été rédigés « pour notre instruction ». Leur but est par conséquent didactique : Paul incite les Corinthiens à ne pas suivre l'exemple des Israélites dans le désert pour ne pas subir le même sort fatal. Ici, l'enseignement est surtout moral ou existentiel. Dans d'autres cas, il sera doctrinal et concernera le contenu de la foi, comme par exemple dans les épîtres aux Calâtes et aux Romains, lorsque Paul fait appel à la figure d'Abraham pour fonder sa doctrine de la justification par la foi (Rm 4 ; Ga 3). Paul n'est certainement pas le seul à lire les récits bibliques de cette manière, bien entendu, et il a d'illustres prédécesseurs dans l'Ancien Testament. C'est bien la raison pour laquelle il est bon de s'interroger un instant sur les rouages internes de l'argumentation paulinienne, car, sur ce point comme sur bien d'autres, Paul est le digne représentant d'une culture qui a constamment relu son passé en vue d'éclairer son présent.
Il existe donc bien un « code » qui permet à Paul de communiquer avec ses lecteurs et d'essayer de les convaincre, et ce code n'est autre qu'une façon de lire l'histoire d'Israël ou, plutôt, de la relire pour en tirer sans cesse de nouvelles leçons. Sur ce point, comme je l'ai dit, Paul n'a rien d'un innovateur. Quelques exemples vont le montrer à suffisance.
Le prophète Jérémie et la voie de la tradition
« Ainsi parle le Seigneur : Arrêtez-vous sur les chemins pour faire le point...
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