Au Moyen Âge, la méditation des mystères de la vie du Christ faisait l'essentiel de la piété éclairée. En témoignent quelques précieux manuscrits, incunables et imprimés rescapés des ravages de l'histoire. Les aficionados d'Ignace de Loyola connaissent la Vie du Christ de Ludolphe le Chartreux : scènes choisies du récit évangélique éclairées par des commentaires de la tradition. À ce genre littéraire mais, cette fois, tout en illustrations (quarante pages de gravures sur bois, chaque gravure occupant la page entière), appartient la Bible des pauvres, ainsi dénommée au XVIIIe siècle parce qu'elle avait servi de support à la prédication des ordres mendiants, franciscains notamment.

Chaque gravure présente une scène évangélique encadrée par deux scènes de l'Ancien Testament préfigurant la scène centrale selon les principes de la lecture « figurative » ou « typologique » de la Bible, remontant à saint Paul et à Origène. Des médaillons représentant les prophètes concernés et portant les citations de leurs écrits ainsi que des sentences mnémotechniques encadrent ces triptyques. L'ensemble relève d'une lecture savante de l'Écriture mais qui, à terme, s'adressait au bon peuple chrétien, comme il en allait des vitraux ou des chapiteaux de nos cathédrales. L'enjeu était de suggérer que le Christ est « l'unique objet de l'Écriture », comme disait Blaise Pascal, et le centre de l'Histoire.

La Bible des pauvres a d'abord existé à l'état de manuscrits enluminés dès le XIIIe siècle. À partir de 1465, se sont multipliées des éditions imprimées utilisant la xylographie. C'est l'exemplaire dit « de Chantilly » qui est ici exploité, avec de copieuses notices et tables de référence, dans un cahier adjoint à l'album. L'équipe éditrice a travaillé à l'ombre du monastère dominicain Saint-Marie de Prouilhe (Aude). L'intérêt de cette édition n'est pas seulement bibliologique. Elle aide à entrer dans une pratique de la méditation authentiquement chrétienne, c'est-à-dire centrée sur le mystère du Christ.