Beauchesne, 2000, 222 p., 150 F.

Un livre bâti en triptyque, et d'une indiscutable utilité. L'auteur retrace d'abord l'itinéraire spirituel de Simone Weil en nous restituant l'admirable lettre qu'elle adressa en mai 1942 au Père Perrin, page hallucinante de pénétration et bouleversante de grandeur spirituelle, où elle justifie son choix de rester sur le seuil, entre deux : entre ce qui est l'Eglise et ce qui ne l'est pas.
Même si l'évaluation enthousiaste que fait S. Weil du phénomène cathare doit être sérieusement corrigée à la lumière de l'historiographie contemporaine, l'éloge qu'elle fait de la civilisation occitane mérite l'attention. S'y réalise en effet, selon elle, le mariage de l'esprit grec et du pur évangile, à rebours de la romanité (que S. Weil exècre pour son culte de la force) et de la judaité (orgueilleusement crispée sur l'idée de peuple élu à laquelle elle, pourtant juive, est farouchement hostile). La périlleuse opposition de la douceur évangélique et de la force fait craindre un gnosticisme simplificateur et quelque insuffisance de la théologie de la Croix.
De même, l'universalité, la catholicité à laquelle aspire S. Weil, ne manque pas de nous interroger, puisqu'elle absorbe et refoule toute culture différente du christianisme (ramené à sa matrice gréco-évangélique). Imprudente anticipation, sans doute, de l'accomplissement eschatologique, et qui étonne quand on sait l'autorité que la philosophe accorde au réel, au point d'identifier l'acceptation de la volonté de Dieu avec Yamorfati stoïcien.
En finale, le Père Perrin confie sa peine devant les réserves de S. Weil sur le rôle de l'Eglise et son refus déconcertant de la vie éternelle. Mais n'est-ce point là l'indomptable abrégation de l'amour pur ? Chemin de crête que ne peut saisir le point de vue dogmatique du dominicain. C'est en effet une raison mystique qui soutient le discours spirituel.