Trad. F. Lhoest. Cerf/ Le Sel de la terre, 2005, 213 p., 22 euros.

De la floraison de la pensée orthodoxe au XXe siècle, celle des oeuvres majeures de ses théologiens et philosophes exilés en Occident, il reste quelques échos dont les livres de Kallistos Ware, évêque de Diokleia, ancien professeur de patristique à Oxford, sont parmi les plus clairs. L’auteur anglais ne prétend pas innover, proposer de vastes synthèses théologiques : il monte sur les épaules de ses aînés pour faire entendre avec pédagogie leurs voix puissantes. Le thème dominant de ce recueil d’articles est la destination de l’homme : qu’est-ce que l’homme ? pourquoi est-il appelé à un salut ? quelles sont les voies de ce salut ? Kallistos Ware parcourt quelques lieux majeurs de la tradition orthodoxe, comme la personne-communion, la divinisation ou le fol-en-Christ, puisant à la fois dans sa connaissance des Pères et dans les synthèses modernes. La marque propre de l’auteur est de tisser un dialogue entre la patristique, la poésie anglo-saxonne et la recherche théologique occidentale au sens large, de Vladimir Lossky ou Paul Evdokimov à Karl Barth ou Karl Rahner.
Pour le lecteur francophone, la façon de traiter ces thèmes, mille fois traversés, est neuve, car elle lui fait entendre des voix peu connues de la patristique, comme Marc le Moine, ou contemporaines, comme Julia de Beaussobre. Le recueil est particulièrement bien équilibré, alternant des essais plus systématiques mais d’une grande clarté pédagogique (comme le chapitre sur le « concept de salut dans la tradition orthodoxe ») et des essais plus suggestifs, nés d’une plume vive et nette (comme celui sur « le martyre comme vocation universelle »).
« L’île au-delà du monde », qui donne forme et destinée au monde, n’est autre que le royaume de la Trinité, tout en synergie : l’écriture même de Kallistos Ware, sa capacité à déployer toute la trame de la tradition, est une excellente initiation à cette synergie.