L’hospitalité sacrée entre les religions, Préf. R. Panikkar, Albin Michel, 2007, 218 p., 16,50 euros.
Jésus asiatique,Trad. A. Boutot, Presses de la Renaissance, 2007, 290 p., 20 euros.


Comment faire dialoguer entre elles les traditions religieuses sans verser dans le syncrétisme ? Comment traduire sa propre spécificité dans la culture de l’autre tout en bénéficiant de sa richesse ? Partant d’expériences ou de propos différents, ces deux ouvrages traduisent la même exigence de rencontre. Si le titre de Pierre-François de Béthune fait un clin d’oeil appuyé à Louis Massignon en évoquant « l’hospitalité sacrée », sa démarche n’évoque pas le dialogue avec l’islam mais celui avec le bouddhisme zen au Japon, que ce moine bénédictin et secrétaire général du Dialogue interreligieux monastique a longuement pratiqué. Pour le théologien indien Michael Amaladoss, jésuite et directeur de l’Institut du dialogue avec les cultures et les religions à Chennai, en Inde, il s’agit davantage de se demander comment on peut présenter le Christ au monde asiatique, sans s’appuyer d’abord sur les catégories du monde culturel sémitique.
Avec clarté et humilité, le P. de Béthune montre dans un premier temps combien l’hospitalité reçue dans le monde du zen a été pour lui une expérience spirituelle très forte, le renvoyant directement aux exigences de sa propre vie bénédictine. Sans fioriture, il évoque ainsi la voie du thé (chado) et sa liturgie propre, le chemin de la méditation (sesshin) avec un beau parallèle entre le thème du Shabbat et celui de la vacuité, le monastère (sodo) avec tout ce qu’il suppose.
Dans un second temps, il situe bien les enjeux et les règles de l’hospitalité offerte, d’un échange spirituel qui ne doit pas cependant verser dans la confusion ou le syncrétisme. À l’exemple d’un Henri Le Saux ou d’un Christian de Chergé, il témoigne « du fait que ce qui au premier abord peut sembler impossible pour une certaine théologie peut être bien vécu au foyer de la vie spirituelle et y être source de grande fécondité ».
Parler du Christ comme d’un gourou ou d’un maître de sagesse paraît parfois choquant pour les chrétiens occidentaux que nous sommes, habitués aux termes de « Crucifié » ou de « Fils de Dieu ». Mais comment dire Jésus au chrétien asiatique ? Quels mots employer pour lui faire percevoir la spécificité du christianisme ? Faut-il se contenter du langage des dogmes et renoncer au pouvoir évocateur des symboles et des images présents dans la culture de l’Asie ? Or c’est à ce monde asiatique que s’adresse ici explicitement le P. Amaladoss. Après avoir examiné rapidement les images du Christ dans l’histoire chrétienne et chez les autres croyants asiatiques, il reprend neuf images de Jésus : le sage, la voie, le gourou, le satyagrahi, l’avatar, le serviteur, le compatissant, le danseur et le pèlerin. Parce que ces images sont susceptibles de transmettre une part de la vérité de Jésus, cette démarche nous vaut une approche plurielle et une relecture biblique que bien des chrétiens occidentaux auraient profit à lire. Particulièrement éclairant est le développement sur l’image du gourou ou le thème du « Seigneur de la danse ». On ne peut donc s’empêcher de rapprocher ces deux livres. En se refusant à confondre dogmes et pratiques spirituelles, images et objets de foi, ces deux ouvrages ne sont pas sans connaître les lieux de tensions ou de difficultés.