Si je me retourne quelque dix ou vingt ans en arrière, je constate que nous faisions alors l’éloge de la complexité. Un grand philosophe – Edgar Morin pour ne pas le citer – en fit d’ailleurs un livre célèbre. Cet éloge s’est prolongé dans le temps. Je me souviens que, longtemps, on a défendu la complexité, soit à titre d’excuse, soit en guise de référence. Il s’agissait, en tout état de cause, d’une marque de la modernité dans laquelle nous évoluions tous, presque d’une nécessité. La société était complexe, à l’instar des rapports humains et de la politique : bref, tout le monde devait s’accommoder de cette complexité qui devait être arborée comme un motif de fierté générale. Puis l’ère du numérique a bouleversé l’esprit qui préside à notre désir d’organisation des sociétés. Le monde a redécouvert la simplicité, l’interface accessible, la simplification des tâches, les nouveaux programmes ; la vie quotidienne s’est transformée, comme notre vision de l’organisation des sociétés.
Au-delà de son contexte politique, l’intervention d’Arnaud Montebourg est intéressante à double titre. D’une part, elle relayait la demande contemporaine d’une plus grande simplicité dans la vie et dans l’organisation sociale. D’autre part, elle envisageait la simplicité comme l’antonyme d’une complexité dont il convient de se libérer au plus vite, au motif qu’elle inhiberait l’action. Avec le risque de passer allègrement sur le caractère multidimensionnel, enchevêtré, diversifié du monde et de balayer d’un revers de main un demi-siècle de réflexions épistémologiques sur la complexité du réel. La conception de la simplicité que défendait le ministre risque bien de nous faire basculer du côté du simplisme, alors même qu’il y a fort à parier que le monde de demain gagnera encore en complexité avec une intrication de plus en plus forte de l’informatique, des biotechnologies et des neurosciences. Comment alors articuler l’indépassable complexité qui caractérise notre monde et la demande contemporaine de simplicité ?Pour tenter d’apporter des éléments de réponse à cette interrogation, peut-être faut-il partir non pas d’une réflexion philosophique sur la complexité mais de l’expérience que peuvent en faire au quotidien les sujets modernes et qui nourrit leur désir de vivre plus simplement. Sans prétendre à une quelconque exhaustivité, j’en ai retenus trois qui me semblent bien caractériser notre époque : une emprise de plus en plus forte de la technologie, une accélération des rythm...
La lecture de cet article est réservée aux abonnés.