L’accueil des réfugiés, la session du synode sur « la vocation et la mission de la famille », la préparation et l’approche de la Cop 21 suscitent les réactions les plus vives, dans un sens ou dans l’autre, parfois violentes, au sein même de l’Église. Car il ne s’agit pas là de simples débats d’opinion. Ces sujets questionnent très profondément notre manière de vivre, d’aimer, de nous rapporter aux autres et à l’environnement. Ils touchent à l’avenir immédiat de notre société et de nos familles, à la vérité de nos vies et de leur espace  quotidien, à notre sécurité, à nos biens et valeurs matériels, culturels, spirituels. C’est le vécu de notre foi, c’est notre lecture personnelle et communautaire de l’Évangile qui sont ici mis en question, comme le souligne le pape François dans « Laudato Si ». Notre affectivité est donc fortement touchée, sollicitée, agressée peut-être, et la passion ou la peur peuvent nous prendre, à bon ou  mauvais droit, mais au risque de nous aveugler. Le risque d’y perdre une part de nous-mêmes, en richesse, en pouvoir, en détention de savoir, de techniques, etc… est en effet  bien réel, autant que d'y gagner un vivre-ensemble plus juste, plus sûr, plus fécond.

Pierre Favre ne nous livre pas les sentiments et émotions qui accompagnèrent son expérience  de débats et d’oppositions virulentes autour de la réforme, dans le pays de Mayence au milieu du 16° siècle. Et c’est heureux pour nous, car  dans l’imbroglio des réactions, arguments et sentiments qui s’opposent avec force, il opère un tri qui déplace notre attention et ouvre un chemin où la vérité rend libre : celle-ci ne se reconnait pas seulement à la véracité de ce qui est échangé, « car », écrit-il, « bien qu’ils disent souvent des choses vraies, comme les démons eux-mêmes (ainsi que le dit l’Evangile), ils ne le disent pas avec l’esprit de vérité qu’est l’Esprit Saint ». Il y a donc un esprit de mal et de mort, qui survient quand on est à l’œuvre ensemble, et qui sème la méfiance ; il laisse entendre sa volonté destructrice dans la peur et la violence qu’il engendre et qui défigure la réalité, au point de la rendre mensongère (Gen 3, 1-7). Esprit brillant qui fascine ou déforme pour diviser et décourager, il tire sa gloire des dissensions et haines qu’il provoque.  A l’inverse, l’esprit de vérité suscite la paix et la confiance, il donne le courage d’aller vers l’autre et d’aller de l’avant, en regardant  la réalité telle  qu’elle est, sans complaisance. C’est à sa douceur et à sa fermeté joyeuse qu’on le reconnaît, à la manière de Bernadette portant avec insistance et liberté le message de Marie.

Ces esprits, de vie ou de mort,  ne qualifient pas telle ou telle personne, tel ou tel courant. C’est au cœur de chacun de nous que le combat est à mener pour que « l’esprit de vérité » nous mette à son écoute, en nous et chez les autres, au service d’une lucidité plus fine et d’une liberté plus grande. Demandons à saint Pierre Favre d’éprouver le même désir que lui. Demandons-le aussi à Marie en ce mois d’octobre et de rosaire, elle en qui « l’esprit de vérité » prit chair et changea le cœur des hommes en leur donnant le sien.