Voici un petit essai de théologie spirituelle dans le champ, a priori peu ignatien, de la « mystique sponsale ». Il affronte une question de fond : comment rendre compte de la figure du Christ époux, lorsque l'épouse peut être aussi bien Jean de la Croix que Thérèse de Jésus ? En une époque où les théories du genre agitent les esprits, la question pourrait relever d'une certaine urgence. Mais les éléments de réponse qu'apporte l'auteur dépassent la justification d'une tradition mystique particulière et qui a des correspondances (non envisagées ici) en dehors du christianisme. L'auteur esquisse un discours sur Dieu qui respecte le Mystère tout en étant crédible pour nos contemporains.

Complexe est la conception de l'eros ici à l'œuvre : elle doit autant à Platon qu'au Premier Testament, récure le dualisme erosagapè, cherche des confirmations chez Carl Gustav Jung. Elle s'enracine dans la figure biblique de la Sagesse, dans laquelle le Premier Testament et les Pères ont vu la préfiguration du Christ. Le poème de Proverbes 8 est ici privilégié. Avec la Sagesse, il y a en Dieu du féminin aussi, un féminin en situation de médiation « érotique » entre Dieu et les enfants des hommes. La Sagesse rend possible, entre Dieu et les hommes, une relation « érotique » et non « pornographique », dans la mesure où Dieu se cache au moins autant qu'il se montre. Il se révèle en se dérobant.

L'impossibilité de mettre la main sur Dieu et le non-savoir qui caractérise la Révélation font le jeu du désir de l'Autre, sans cesse relancé par sa satisfaction même. On n'est donc pas surpris de croiser dans ces pages qui font largement droit à la tradition apophatique orientale (distinguée de la « théologie négative »), les noms de Roland Sublon, Raymond Lemieux, Jean-Baptiste Lecuit, Michel de Certeau et celui de François Nault, qui appose le sceau d'une préface. Plus que la théologie de Christos Yannaras, chez qui l'eros souffre d'un déficit d'incarnation, c'est l'expérience de Pierre Teilhard de Chardin et sa pensée de « l'Éternel féminin » qui a la faveur de l'auteur.

Pour modeste qu'elle se veuille, cette réflexion s'inscrit dans le sillage de celles de Pierre Rousselot, Anders Nygren, Denis de Rougemont, Martin Cyril d'Arcy notamment. Le mystère qu'est l'amour n'en finit pas, on le voit, de faire écrire.