D’une manière ou d’une autre, la question de l’au-delà se pose aujourd’hui à l’expérience spirituelle et appelle une réflexion de fond. Mais qu’entendre par « au-delà » à l’âge de la sécularisation où se croisent tellement de représentations ou même d’expériences de ce « lieu » surnaturel ? Ce dossier cherche à ressaisir ce que la tradition chrétienne a de plus porteur d’avenir : il y a un « déjà-là » de l’au-delà qui l’atteste et à partir duquel un « pas-encore » ne cesse de s’envisager. L’au-delà n’est-il pas d’abord une interrogation lancinante où pointe l’angoisse que suscite la disparition de ceux que l’on a aimés ? Interrogation des enfants dans leur besoin de localiser par l’imagination les morts familiers. Interrogation des adultes lorsque leurs parents disparaissent. Nobles interrogations, car le plus souvent nous nous soucions davantage de la vie de nos proches dans l’au-delà que de notre propre avenir (Sylvie Germain). La perspective de l’au-delà demeure pourtant source de désarroi profond, qui se révèle dans les combats pour un avenir plus consolant, ou encore dans les courants de pensée transfigurant l’existence ici-bas (Françoise Le Corre). L’imaginaire est bien sûr aussi requis, au point de susciter depuis le XIXe siècle une abondante littérature où l’au-delà coexiste avec ce monde comme un réservoir de symboles et de forces (Jeanne-Marie Baude).

La foi chrétienne invite à croire que nous sommes déjà ressuscités avec le Christ ici-bas, appelés à travailler avec lui au Royaume de justice et d’amour de son Père. En mourant, nous entrons alors non pas dans un au-delà mystérieux, un « ciel », mais dans la vie pleinement lumineuse du Père (Michel Rondet). C’est cet accueil du Père que célèbre la liturgie des funérailles, et tout particulièrement au moment du « dernier adieu ». Plus que d’un lieu où irait le défunt – la « maison du Père » –, les rites, les gestes, les lectures nous parlent de ce qu’il doit devenir, éprouver, dans une relation pacifiée avec Dieu (Pierre Faure). Suivant les confessions chrétiennes, l’espérance d’une plénitude de vie en Dieu inspire différentes visions de nos liens spirituels avec les défunts. Là où l’Église catholique accompagne dans l’action de grâces la séparation et le voyage vers le Père (Isabelle Lecointe), l’Église orthodoxe manifeste avant tout la « communion des saints », en priant pour ceux qui se sont « endormis » en Christ afin d’habiter la « demeure des saints » et de trouver le « repos dans un lieu de lumière, de verdure, de fraîcheur » (Job Getcha). Fidèle au salut par la seule grâce de Dieu, le protestantisme récuse toute prétention humaine à gagner la reconnaissance de Dieu. Le culte et les pratiques autour de la mort sont avant tout un temps de recueillement pour les vivants en deuil (Raphaël Picon).
Certains temps et lieux sont inexprimables, inatteignables, sans les mots des poètes. C’est le cas de la mort traversée et transfigurée dans ces Pâques cachées que recèlent les « Mystères lumineux » vécus par Marie au contact de son Fils (Jean-Pierre Lemaire). Vision de la révélation de Dieu dans l’histoire, l’Apocalypse est un livre pour temps de crise. La mort et le mensonge sont vaincus par l’Agneau immolé, qui donne sens et avenir à nos combats pour la vie. Le temps de la fin est donc pour maintenant, car c’est le temps de la venue du Seigneur… pour celui qui lui ouvre sa porte (Christoph Theobald).