Comment traduit-on « recueillement » en chinois ? La réponse n'a rien d'évident. Un terme s'apprécie dans le contexte linguistique qui est le sien. « Recueillement », pour nous, évoque « cueillir », « accueillir », « re-cueillir »... Des assonances et des renvois étymologiques dont on ne trouvera pas aisément des équivalents exacts au sein d'une autre tradition, surtout lorsque cette tradition s'appuie sur une structure de langue entièrement différente de la noue, comme c'est le cas pour le chinois.
 

Les mots du recueillement


Qu'on me permette donc de partir de la langue pour évoquer ce à quoi le « recueillement » peut bien renvoyer en contexte chinois. Donnons toute leur place aux mots et aux caractères employés, car ce sont eux qui ouvrent le registre sémantique par quoi l'expérience chinoise prend pour nous aussi sens et saveur.
Qui ouvre un dictionnaire pour trouver la réponse à noue question d'ouverture a bien des chances de trouver là plusieurs définitions Ainsi, « recueillement » peut se traduire par Jingxin (un assez bon équivalent) ou bien par Chensi (moins précis, mais évocateur) Comme il est habituel, chacun de ces mots est formé de deux caractères dont les sens se précisent et se complètent mutuellement , Jingxin associe jing (paix, repos, silence, immobilité, tranquillité) et xin (le coeur ou l'esprit) Chensi relie chen (immergé, plongé, profond, sérieux) à si (penser, méditer, réfléchir ) On pourrait dire que le premier terme désigne l'état du coeur ou de l'esprit en recueillement, et le second s'applique a l'action de se recueillir Mais surtout, chacun de ces mots est bâti sur un terme fort dont l'étude attentive permet déjà de dégager des aspects importants de la tradition spirituelle chinoise.
Dans le premier des mots, retenons donc le caractère jing, et, dans le second terme, arrêtons nous au caractère si Nous verrons bien vers où notre enquête lexicographique va nous mener.
 

L'immobilité et « l'assise quiète »


Jing
est un très beau caractère, dans ses renvois historiques et dans sa graphie Son sens premier, attesté par les inscriptions sur bronze, est celui de « soumettre », « pacifier une ville » ou « un royaume » De là, dans les textes anciens, le sens dérivé de « se tenir tranquille », d'« être en paix », « en silence » Le Livre des Mutations signifie par ce caractère l'état de ce qui est en arrêt, au repos La tradition taoïste lui confère le sens de « quiétude » De façon intéressante, le premier dictionnaire chinois lui accole plutôt l'idée d'« examen soigneux », de « discernement clair ». En d'autres termes, point de discernement sans recueillement préalable.
L'un des composés du terme les plus évocateurs pour notre sujet est sans nul doute celui de jingzuo (« assise quiète »), le terme le plus classique pour...

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