Christus : Vous êtes architecte-urbaniste : en quoi consiste précisément votre travail ? Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette voie ? Aviez-vous des modèles dans votre entourage ou dans votre famille ? Quel rôle a joué la spiritualité dans votre choix ou dans le développement de votre carrière ?
Josep Maria Riera : J’appartiens à une longue lignée de constructeurs et d’architectes (à la cinquième génération du côté maternel) et j’ai hérité de mon oncle architecte la passion pour l’urbanisme, qui donnait la possibilité d’englober différentes matières (sociologie, architecture, psychologie, etc.) à des fins très concrètes : créer un environnement qui conditionne positivement les activités qu’exerce l’être humain tout au long de sa vie (vivre, communiquer, produire, etc.). Dans ce choix, le climat humaniste et chrétien où respirait ma famille a pesé de tout son poids. Cet héritage coexistait avec une certaine utopie qui naissait alors sous l’inspiration des « New Towns » anglaises récemment créées et des événements de mai 1968 (année où j’ai commencé mes études). Nous nous sommes mis à rêver d’une nouvelle manière de comprendre la ville et de faire bon accueil à ce qui s’annonçait comme un « boom » de la production industrielle, et donc de l’urbanisme.
Christus : Vous exercez souvent dans des zones particulièrement difficiles ou sensibles sur le plan humain ou social. Pouvez-vous donner des exemples d’oeuvres où vous êtes intervenu ?
J.-M. Riera : Après mes études, j’ai pris peu à peu conscience que l’utopie pouvait s’exprimer non seulement dans la création de modèles de ville, mais aussi, de façon plus radicale, dans chacune des créations qui « sortent » des mains de l’architecte. La décélération qu’a connue l’Espagne dans les années 80 m’a amené à me consacrer à des environnements urbains dégradés ayant besoin d’être régénérés par une architecture de type social. C’est à partir de ces considérations et de ma plus grande implication dans la spiritualité ignatienne 1, spiritualité incarnée et engagée dans tous les milieux de la vie ordinaire, qu’est né mon désir d’intervenir dans les communes de la couronne de Barcelone, qui dans ces années-là présentaient encore d’importants déficits de dotations et d’infrastructures. C’est ainsi que j’ai travaillé, comme architecte en chef des plans d’urbanisme, dans deux communes de la conurbation métropolitaine de Barcelone. Parallèlement, j’ai fondé avec d’autres collègues l’association « Architectes sans Frontières Espagne », dont j’ai été quatre ans le président.
Une utopie confrontée au réel
Christus : L’utopie joue-t-elle un rôle dans votre manière de concevoir, de procéder ou d’imaginer vos plans ?
J.-M. Riera : Mon expérience de chef des plans d’urbanisme (dans laquelle j’ai « exercé » vingt ans) m’a...
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