La tâche est d'autant plus délicate que les Pères utilisent souvent avec souplesse une terminologie et des schèmes de pensée empruntés au monde hellénistique ambiant pour exprimer une doctrine qui, sur certains points essentiels, est en contradiction avec les systèmes philosophiques qui ont créé ce langage. Il faut alors faire l'effort de discerner, sous l'écorce des mots et des formules, la pensée véritable qu'ils peuvent traduire et voiler en même temps.
L'homme, créé à l'image de Dieu
Le langage dont usent les Pères donnerait parfois l'impression que comme les platoniciens, ils partagent l'univers entre un monde intelligible et un monde sensible et matériel. Cependant il apparaît que pour eux, la distinction essentielle ignorée des philosophes, se situe entre l'Incrée et le créé, entre le Créateur et les créatures. Ils partagent assurément le monde créé entre un monde intelligible comprenant les anges et les âmes humaines, et un monde sensible qui inclut tous les autres êtres, des animaux aux particules élémentaires. Mais entre le suprême Intelligible proprement divin, et les créatures douées d'intelligence se creuse l'abîme qui sépare l'Incrée du créé.
En rupture avec les thèses platoniciennes ou gnostiques (qui sont de tous les temps), les Pères affirment que les anges et les âmes humaines, tout en ayant une nature intellectuelle ne sont pas de nature divine ; ils ne possèdent en eux-mêmes aucune parcelle de divinité. Mais ils sont aptes à participer à la nature divine à être « déifiés », moyennant un libre don de Dieu et le libre consentement de leur volonté. L'homme ne peut trouver son bonheur et atteindre la fin pour laquelle il a été créé que par cette participation ; mais il ne peut la désirer que comme un don entièrement gratuit de Dieu. Parce que l'homme est esprit son rapport avec Dieu ne peut être qu'une relation interpersonnelle une communion dans l'amour, qui ne peut exister que sous le signe de la liberté et de la gratuité. C’est fondamentalement par cette capacité à être divinisé par participation que se manifeste l'image de Dieu dans l'homme, quelle que soit la diversité des interprétations proposées par les Pères du texte de la Genèse : « Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance »(1,26).
Est-ce l'homme tout entier, corps et âme 1, qui est à l'image de Dieu, ou seulement l'âme ? Les Pères sont vivement conscients de l'unité du composé humain, et le dogme de la résurrection corporelle est au cœur de leur foi. Certains, tel saint Irénée de Lyon, ont eu une conception christologique de l'image : le Chri...
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