Un jour, un compagnon jésuite m'appelle me demandant de le remplacer pour célébrer la messe en prison, dans un quartier réservé aux femmes. C'était pour moi la première fois que j'entrais dans un de ces lieux si chargés d'imaginaire, guidé par les bénévoles de l'aumônerie. Pour être franc, le bâtiment m'a fait penser à une communauté religieuse construite dans les années 70-80 : du béton, des couleurs orangées, du carrelage au sol. Bref, je n'étais pas trop dépaysé. J'arrive dans la salle commune transformée pour l'occasion en chapelle. Une première femme s'avance. Elle fait la bise à toute l'équipe d'aumônerie et je ne déroge pas à la règle. On discute de l'organisation de la messe, des lectrices prévues, des chants, etc. Peu à peu la salle se remplit... Des femmes de tous âges, de toutes nationalités, de toutes catégories sociales. Et je me dis tout à coup : "Mais elles sont comme moi... Elles sont comme nous... Je pourrais les croiser à la supérette ou dans le métro..." Etrange sensation de me trouver chez elles, accueilli comme je suis... Etrange sensation de réaliser qu'il en faudrait peu pour que je sois, moi aussi, derrière les barreaux... Etrange sensation que d'entendre cette petite voix perfide qui aimerait savoir ce qui a conduit ces femmes venues des quatre coins du monde dans ce lieu écarté de la société. Mais belle expérience d'entendre cette autre voix me dire que là n'est pas l'important : elles sont mes soeurs et ensemble nous allons célébrer l'amour inconditionnel de Dieu pour l'humanité et d'abord pour chacun d'entre nous.

 

Cet article est extrait de la chronique de Grégoire Le Bel, s.j, "Souffle imprévisible" dans le numéro de décembre 2017 de Vers Dimanche.