une petite soeur de jésus Beni Abbès, Algérie.  
 
J’ai vécu à Paris pratiquement toute ma jeunesse. Et très tôt, j’ai désiré devenir petite soeur de Jésus. Ma génération était très marquée par la guerre d’Algérie. On y pensait, je crois, tous les jours, et j’avais aussi des camarades d’étude algériens. Si bien que lorsque je suis entrée à la Fraternité, l’année qui a suivi l’indépendance du pays, j’ai exprimé mon désir d’aller vivre en Algérie. J’avais donc connu des musulmans, mais n’avais aucune idée de l’Islam. Ce qui me touchait, c’était de découvrir ce peuple, qui avait beaucoup souffert, en quête de dignité et de liberté. J’imaginais pouvoir vivre dans un bidonville d’Alger, mais c’est à El Abiodh Sidi Cheikh, au désert, que j’ai été envoyée. Premier lieu de la Fraternité des petits frères de Jésus, il a été aussi un lieu de formation pour la Fraternité des petites soeurs, et ce jusqu’à la guerre d’indépendance. Aujourd’hui encore, connaître les lieux et la réalité de nos premières fraternités en Algérie fait partie, dans la mesure du possible, de notre formation.
 

Les amitiés fondatrices

J’ai donc fait mon postulat à El Abiodh, puis à Touggourt, où petite soeur Magdeleine de Jésus (1898-1989), notre fondatrice, a bâti en 1939 la première fraternité avec l’aide de ses premiers amis sédentaires ou nomades. Il y avait encore, gardée fidèlement, la tradition du thé le samedi soir avec eux. Notre fondatrice aimait nous redire ce qu’avait représenté pour elle cette amitié :  « Les maçons et quelques familles nomades ont vraiment été mes premiers amis dans la fondation, mes seuls amis au début. Tout le monde me condamnait et j’allais me consoler près d’eux sous leur tente. Ils avaient une telle confiance, une telle foi. Je crois […] que […] dans le plan de Dieu ils avaient été choisis pour collaborer avec moi à la fondation, avec eux j’ai travaillé et souffert pour fonder la Fraternité. Entre eux et moi, l’amour était si grand que jamais je ne pourrais en retrouver de semblable, parce qu’ils ont été les premiers et que j’ai vécu un temps complètement seule avec eux. On disait autour de moi que j’étais folle, mais j’étais tellement sûre d’eux que c’était cette confiance même qui me sauvait. » Soeur Magdeleine avait une foi inébranlable en une amitié toujours possible entre les humains, quelles que soit les barrières qui pouvaient les séparer. Elle écrivait encore : « Je voudrais que vous croyiez qu’il peut y avoir une amitié vraie, une affection profonde entre des êtres qui ne sont ni de la même religion, ni de la même race, ni du même milieu. » Elle voulait que notre amitié soit marquée par un profond respect, une confiance totale et une sincérité absolue. Nous sommes convaincues que cette rencontre nous a en effet construites. Comme elle a construit la vocation du P. de Foucaul...

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