L'auteure est allée en Algérie, s'est rendue au monastère de Tibhirine tenu par le père Jean-Marie Lassausse et nous entraîne au fil des pages dans sa propre découverte du lieu. Mais ce n'est pas seulement la vie de la communauté trappiste qui la mobilise : elle veut remonter à cet événement lointain qui fut pour une grande part à l'origine de la vocation algérienne du prieur de Notre-Dame de l'Atlas.

Lors de son service militaire pendant la guerre d'Algérie, en 1959, l'officier de Chergé se lie d'amitié avec un cantonnier musulman : ensemble, ils parlent théologie. Alors que Christian de Chergé tombe entre les mains des indépendantistes, Mohamed s'interpose et sauve son ami. Mais il est retrouvé quelques jours plus tard, assassiné. Il avait dix enfants. « Dans le sang de cet ami, j'ai su que mon appel à suivre le Christ devrait trouver à se vivre, tôt ou tard, dans le pays même où m'avait été donné ce gage de l'amour le plus grand », confia bien plus tard Christian de Chergé.

C'est à la rencontre des descendants de cet « ami parti devant » que Fadila Semaï s'est lancée. Comment cette vie donnée avait-elle été vécue par la famille algérienne ? Savait-elle que la mort de Mohamed avait suscité la vocation de Christian de Chergé, victime à son tour, quarante ans plus tard, de la violence aveugle ? Loin d'être une quête historique (avec d'ailleurs quelques imprécisions sur la vie du monastère), ce livre est d'abord un pèlerinage intérieur et personnel, une quête : « Quelque chose s'ouvre. Au-delà de Christian et de l'ami Mohamed, peut-être parce que je suis allée au bout de moi-même en venant ici », confie l'auteure. Vingt ans après, Tibhirine suscite des questions et ouvre des chemins de dialogue, de méditation et de paix.