Il est courant de souligner le carartère symbolique de l'évangile selon saint Jean, c'est-à-dire le fait que les réalités invisibles, relevant de la foi, y sont fréquemment désignées au travers d'images concrètes, voire de métaphores, offertes à l'interprétation du lerteur. Dès lors, il n'est pas surprenant que le IVe Evangile fasse souvent mention du « voir » non seulement pour évoquer l'aaivité sensible de la vue, mais plus profondément en relation avec un engagement existentiel de l'ordre de la foi. Plusieurs verbes « voir » sont en concurrence : le plus fréquent est le terme usuel « horân » (y compris les formes à l'aoriste sur le radical de « ideîn »), mais on trouve également « blépein », « theôreîn » et « theâsthai », sans qu'il soit forcément facile de distinguer les nuances propres à chaque terme. En revanche, lorsque plusieurs de ces verbes figurent simultanément dans une péricope (exemple : la scène des deux disciples au tombeau en 20,1-10), leur conjonction établit un système, au sein duquel les différences s'avèrent tout à fait signifiantes. De même, considérées du point de vue de l'évangile dans son entier, les multiples mentions du « voir » entretiennent de complexes relations, que nous essaierons d'édairer dans ce bref artide.

« Dieu, nul ne l'a jamais vu »


Quelle que soit l'origine du prologue du IVe Evangile, sa position en tête du livre lui assigne la fonaion de désigner un certain nombre des dés de lecture indispensables à la compréhension de l'ouvrage tout entier. Aussi faut-il accorder une particulière attention à la dédaration selon laquelle « nul homme n'a jamais vu Dieu » (1,18).
Ainsi, le IVe Evangile ne déroge pas à la tradition biblique, méfiante à l'égard d'un « voir Dieu » qui pourrait n'être que l'expression d'une volonté de puissance, désireuse de garder une sorte de maîtrise sur les conditions de la rencontre. A l'inverse, la métaphore de la Parole honore l'initiative divine et sollicite la liberté de l'homme, en attitude d'écoute, c'est-à-dire d'accueil en vue d'une réponse à l'appel de Dieu. On sait l'interdit des images taillées, susceptibles d'entretenir l'illusion d'une forme de possession du côté de l'homme (Dt 4,16. 23 ; 5,8). De la même façon, l'Evangile de Jean affirme l'absolue transcendance d'un Dieu inaccessible au « regard », donc à toute connaissance sensible de la part de l'homme.
En revanche, le « Logos » ou « Verbe », parole divine inséparable de Dieu lui-même (Jn 1,1-18), a mission d'effeauer l'auto-communication de l'être divin, présent à l'ensemble de l'univers, selon la perspective grecque d'un « cosmos » organisé, attestant une rationalité supérieure, qualifiée de « logos ». En ce sens, une certaine visibilité de l'intelligence divine paraît disponible à travers la création ; mais là n'est pas l'essentiel. Dans la logique d'Israël, la révélation divine s'accomplit avant tout dans l'histoire, au moyen d'interventions divines, aussi persévérantes que les refus humains s'avèrent obstinés. L'histoire de la révélation ne serait qu'un immense malentendu si l'incarnation du Verbe n'était venue briser cette chaîne d'incompréhensions. Désormais, le Verbe est advenu dans la condition humaine. Non seulement il est, à ce titre, exposé à la vue, mais sa propre visibilité dévoile quelque chose du Dieu invisible : « Dieu, nul ne l'a jamais vu ; mais le Fils unique, qui est Dieu tout contre le sein du Père, lui, l'a révélé. »

« Nous avons vu sa gloire »


Si la transcendance divine exige que soit réaffirmée l'invisibilité de Dieu, l'expérience de l'incarnation du Verbe (« le Verbe est devenu chair et il a habité parmi nous ») entraîne une sorte de réhabilitation du voir. C'est bien en effet en termes de vue (« ... et nous avons vu sa gloire ») que le prologue de Jean exprime l'accueil du Verbe venu dans la chair. Mais le verbe « voir », ainsi introduit, s'accompagne d'un objet mystérieux : la « gloire ». Or, ce terme, appelé à revenir à dix-huit reprises dans l'évangile de Jean (sans compter les vingt-deux occurrences du verbe « glorifier ») non seulement n'a rien de commun avec le sens habituel (cf. les mises en garde en 5,41.44 ; 7,18 ; 8,50.54 ; 12,43), mais s'applique toujours à la relation du Père et du Fils. D'où sa multiplication à l'approche de la croix, précisément désignée comme l'heure de la gloire — c'est-à-dire la révélation rédproque du Père et du Fils, dans une fidélité et un amour mutuels, triomphant de la mort même : « Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j'avais auprès de toi, avant que le monde fût » (17,5).
Or, déjà dans le prologue, la vision de la gloire, du fait de l'incarnation du Verbe, ouvre à la connaissance de la condition filiale propre à Jésus : « Nous avons vu sa gloire, gloire comme celle qu'un fils unique tient de son père. » On peut donc dire que ce qui est donné à voir en Jésus, le Verbe incarné, c'est prédsément l'indissociable relation du Père et du Fils, c'est-à-dire, en langage johannique, la « gloire ». Mais ce n'est pas tout : cette gloire n'est visible que dans la mesure où un sujet voyant est habilité à la recevoir... Ce sujet aoyant est alors identifié avec le « nous » de la communauté johannique (« Nous avons vu sa gloire ») en quelque sorte en position de porteparole d'une humanité nouvelle, elle-même née à la condition filiale, « ni des sangs, ni d'un vouloir de chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu ».
De fait, tout au long du IV' Evangile, la mention de la gloire appelle l'engagement de aoyants, mis en état de « voir » — « Si tu aois, tu verras la gloire de Dieu » (11,40), ou bien : « Isaïe dit cela, parce qu'il avait vu sa gloire » (12,41) — et, dès lors, bénéfidaires d'une révélation, sinon explidtement trinitaire, du moins centrée sur la relation du Père et du Fils : « Tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi, et me voici glorifié en eux [les disciples] » (17,10). Plus concrètement, l'adhésion des disciples au mystère de la condition filiale de Jésus manifestera sa fécondité dans deux domaines : la priére, dont l'exaucement contribuera à la glorification réciproque du Pèreet du Fils (14,13) ; la réalité d'une vie de disciple, riche de fruits apostoliques, manifestés à la gloire du Père (15,8). Ainsi la gloire est-elle bien l'objet propre d'un voir « théologal », c'est-à-dire ordonné à la révélation même de Dieu, à travers la relation aimante du Père et du Fils, tissée tout au long de la vie de Jésus et particulièrement édatante à l'heure de la aoix.
Or, ce « voir » de la foi ouvre aux disciples la voie d'une vraie connaturalité avec l'être même de Dieu — ce que les Pères de l'Eglise oseront nommer la « divinisation » : « C'est lui [le Père] qui me glorifiera, car il prendra de ce qui est à moi et vous le communiquera » (16,14). Dès lors peut être dépassée la méfiance traditionnelle à l'égard d'un « voir » entaché d'extériorité. Par leur pleine adhésion à la personne du Christ, les disciples font l'expérience d'une vivante participation à l'être même de Dieu. Jésus ne dira pas autre chose à Pierre lors du lavement des pieds : « Si je ne te lave pas, tu n'auras point part avec moi » (13,8). Tel le geste symbolique accompli lors du repas d'adieu, la métaphore du « voir » exprime la réalité vivante de la foi, selon le projet d'un évangile écrit « pour que vous croyiez et qu'en aoyant vous ayez la vie en son nom » (20,31).

« Malgré tant de signes, ils ne croyaient pas »


En tant qu'ils manifestent l'être même du Dieu incarné, les aaes de Jésus méritent la qualification de « signes », qui les caraaérise dans le IVe Evangile. De fait, les traditionnels récits de miracles sont réduits au nombre (symbolique ?) de sept, à commencer par les noces de Cana : « Tel fut le premier des signes que Jésus accomplit à Cana en Galilée » (2,11). La suite du verset ne laisse aucun doute sur l'appréciation positive de ce geste : « Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. » Autrement dit, les aaes de Jésus exposés à la vue suscitent — au moins dans l'entourage des proches : « les disciples » — une attitude de foi, centrée sur la reconnaissance de la « gloire », c'est-à-dire la communion du Père et du Fils, révélée à travers l'oeuvre de ce dernier. A ce stade du rédt, on ne peut que noter l'effet bénéfique d'un « voir » attentif aux aOions de Jésus.
Toutefois, dès le deuxième signe de Cana (4,46-54) apparaît une certaine réserve quant au regard porté sur les mirades de Jésus. Tandis que le fonctionnaire royal de Capharnaùm voit sa foi exaucée par la guérison de son fils, une sévère remarque de Jésus (4,48) laisse entendre que la curiosité des foules pourrait bien ne s'attacher qu'à l'effet spectaculaire de la guérison, réduisant ainsi la portée du signe et l'acculant à n'être qu'une sorte de prodige. De même, le geste symbolique de la multiplication des pains (6,1-15) manque son effet de signe, puisque, loin d'y voir une métaphore de l'envoyé divin, dépêché pour le salut des hommes, les foules de Capharnaùm se contentent d'un rassasiement physique sans commune mesure avec la richesse de sens proposée par l'enseignement de Jésus : « Vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé des pains et que vous vous êtes rassasiés » (6,26).
Dès lors, le leaeur du IV' Evangile est alerté sur l'ambiguïté des signes et invité à ne pas prendre pour un aae de foi authentique tout engouement plus ou moins passager, suscité par les aaes de Jésus. Ainsi, le rabbin Nicodème a beau s'appuyer sur les signes accomplis par Jésus, la suite du dialogue montrera sans peine son incapadté à porter son regard au-delà d'apparences simplement matérielles (3,2- 10). De même, la foi apparemment vive des foules — « Beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu'il faisait » (2,23) — se trouve démentie par le jugement sans appel de Jésus : « Lui ne aoyait pas en eux, parce qu'il les connaissait tous et qu'il n'avait pas besoin qu'on témoignât de l'homme ; car lui savait ce qu'il y a dans l'homme » (2,24-25). De même encore, la tentative de récupération politique du geste de multiplication des pains contraint Jésus à une fuite, qui a valeur de démenti : « Jésus, sachant qu'ils allaient venir et s'emparer de lui pour le faire roi, se retira de nouveau seul dans la montagne » (6,15). Enfin, la suite du rédt montrera à l'envi qu'il ne suffit pas de « voir » des signes pour les interpréter en tant que tels, c'est-à-dire pour formuler à l'égard de Jésus un jugement qui désigne sa véritable identité et engage une adhésion de foi (6,14 ; 7,31 ; 9,16). Bien plus, le spectade des signes renforcera l'hostilité des adversaires de Jésus et les confortera dans leur volonté de le faire périr (11,47), si bien qu'au seuil du rédt de la passion l'évangéliste pourra condure à l'inefficacité des signes : « Alors qu'il avait accompli tant de signes en leur présence, ils ne croyaient pas en lui » (12,37).
De la sorte, il apparaît dairement que le « voir » n'est pas forcément synonyme du « croire ». Il semble même que les deux termes aient tendance à s'opposer, dans la mesure où la vue d'actions exceptionnelles tend à détourner le regard du côté du speaaculaire, au détriment du sens profond des gestes de Jésus. En langage d'aujourd'hui, il serait tentant de dire que le « signifiant » occulte le « signifié », pour autant que le speaateur s'attache d'abord à la matérialitédu geste et à l'intérêt immédiat qui pourrait en découler pour lui ; ainsi de la multiplication des pains, réduite à n'être qu'un remède facile à l'inconfort d'une pénurie alimentaire inopinée (6,26 et la suite du discours sur le pain de vie). Dès lors se pose la question de savoir à quelle condition le « voir » peut encore acheminer au « croire », comme le suggèrent tant le prologue — « Nous avons vu sa gloire » — que la première conclusion de l'évangile : « Jésus a accompli beaucoup d'autres signes... Ceux-là ont été écrits pour que vous aoyiez » (20,31). Ainsi la problématique johannique du « voir » et du « aoire » n'est-elle pas aussi simple qu'il pourrait y paraître à première leaure...

« Il vit et il crut »


A l'opposé des ambiguïtés affeaant le récit de la vie publique et l'évocation des « signes » accomplis par Jésus, le livret de la passion-résurreaïon paraît dissiper le malentendu entretenu au long des douze premiers chapitres. Le « voir » et le « aoire » ne figurent plus en opposition, mais s'avèrent capables de coïncider. En ce sens, l'aae de foi du disciple bien-aimé, au matin de Pâques, s'avère exemplaire d'une vraie démarche d'adhésion aoyante, au-delà des seules apparences.
Il est d'ailleurs frappant que l'identification du « voir » et du « croire », au verset 8 de la scène des deux disdples au tombeau, ne vienne qu'au terme d'un processus attestant plusieurs états ou formes du « voir ». C'est d'abord le premier regard porté par le disciple arrivé en premier : le présent du verbe « blépein » n'indique rien d'autre qu'un simple coup d'oeil, sans insistance ni complaisance. Le disciple en question « remarque » les linges posés dans le tombeau, mais son intérêt s'arrête là ; il nous est bien dit qu'il n'entre pas. En revanche, Pierre s'empresse d'entrer dans le tombeau ; son regard s'attarde complaisamment sur les objets mortuaires (linges et suaire), dont les places respectives sont longuement décrites, avec une précision quasi clinique. Il s'agit bien d'une observation méticuleuse (présent du verbe « theôreîn »), qui achève de situer Pierre dans le registre de la mort. Entré dans le tombeau, Pierre s'empêtre dans un deuil qui reproduit la détresse de Marie de Magdala et ses pleurs, notées avec la même insistance (20,llb.l3.15).
A l'inverse de cette fascination morbide, le voir du disciple paraît détaché de tout objet conaet. Il s'agit en quelque sorte d'un « voir » à l'état pur (aoriste du verbe « horân »), traversant la matérialité du signifiant pour s'attacher au seul signifié : en l'occurrence, la mystérieuse présence du Ressuscité, du fait même de l'absence de la dépouille du Crucifié. A l'inverse des signes, ambigus par nature, du fait de l'importance des signifiants (la guérison d'un malade, la multiplication des pains, la retour à la vie du mort Lazare...), le vide du tombeau autorise une vision libre de tout signifiant et, de ce fait, parfaitement adéquate au signifié. En langage plus trivial, on peut dire qu'au matin de Pâques il n'y a rien à voir que la béance d'un tombeau, lui-même vidé de son contenu : une telle exténuation du signifiant libère le signifié, en quelque sorte rendu à l'évidence. Pour avoir su dépasser la fixation sur les derniers lambeaux du signifiant (linges et suaire, soigneusement rangés dans le tombeau), le disdple accède à la foi, au-delà de toute apparence, sans autre support que l'engagement de son être. Dès lors, le « voir » n'oppose plus la moindre résistance au « aoire », le vide du tombeau ayant en quelque sorte libéré le regard de toute curiosité simplement matérielle (le IV' Evangile dirait « charnelle », en opposition à « spirituelle » ; cf. le dialogue de Jésus avec Nicodème, 3,6-8).
Manifeste au matin de Pâques, la conjonaion du « voir » et du « croire » s'exprime déjà à l'heure de la croix. De fait, le signifiant y est presque aussi inconsistant que le tombeau vide du chapitre 20. Il s'agit du corps mort de Jésus, privé de sa vie, comme l'attestent la remise du souffle à l'instant de la mort et la double effusion d'eau et de sang sous l'effet du coup de lance porté au flanc du crudfié. Or, cette triple absence constitue le point d'appui du témoignage oculaire, fondateur de la tradition johannique : « Celui qui a vu témoigne, et son témoignage est vrai, et celui-là sait qu'il dit vrai, afin que vous aussi vous aoyiez » (19,35). Autrement dit, le IV' Evangile tout à la fois se recommande d'un témoignage oculaire et dédare hautement qu'il n'y avait alors rien d'autre à voir que l'absence de vie et la béance d'une plaie, vidée de son sang et de son eau. Paradoxe de la théologie johannique : alors que les signes s'avèrent trompeurs, en raison de leur propre richesse, l'aae de foi prend appui sur l'absence du Christ et son retrait, à l'heure de la aoix aussi bien qu'au tombeau vide.
Ce paradoxe de la présence-absence, ainsi proposé comme constitutif de l'aae de foi, se trouve confirmé dans l'étrange béatitude à Thomas : « Heureux ceux qui aoient sans avoir vu ! » (20,29). Certes, il est donné suite à la requête de Thomas, exigeant de voir pour aoire, mais on peut aussi rappeler que Thomas ne voit rien d'autre que les plaies béantes du Crucifié. On aurait pu imaginer une théophanie autrement speaaculaire, en quelque sorte, pour corriger la béance du tombeau. Or, il n'en est rien : Thomas se trouve finalement dans la même situation que le disciple bien-aimé, au pied de la croix et auprès du tombeau. La seule image concrète qui puisse fonder la foi est celle du Crucifié, à l'opposé de toute démonstration speaaculaire. Seule l'absence de Celui qui a tout donné par amour autorise et suscite la foi. Telle est la logique d'une foi authentiquement pascale, audelà de toute apparence sensible et sans autre support conaet que le vide des plaies et la béance du tombeau.
Si donc le « voir » et le « croire » ne se rejoignent qu'à l'heure de la aoix, l'ambiguïté constitutive des signes n'est elle-même acceptable qu'à la lumière de la aoix. Ainsi, l'archétype des signes, que constitue le récit des noces de Cana, est lui-même rapporté à la aoix. La parole de Jésus à sa mère (« Mon heure n'est pas encore venue ») tout à la fois ouvre le récit sur le temps de la passion et dédare l'insuffisance des signes, au cas où ils seraient réduits à eux-mêmes. Pour autant qu'ils se comportent en simples speaateurs, les contemporains de Jésus sont incapables d'entrer dans la logique des signes. Seuls les disciples, comme il est souligné en 2,11, peuvent assumer le saut de la foi, recevant les signes comme autant de manifestations de la « gloire ». Or, le titre même de disciples suppose l'expérience pascale fondatrice. C'est bien en cela que la conclusion de 20,30-31, peut reconnaître au récit des signes la capacité d'éveiller à la foi : propos contradiaoire avec l'expérience de la vie publique (1-12), mais parfaitement acceptable, du moment que le récit de la passion-résurrection est venu entre-temps dépasser l'ambiguïté des signes, en désignant la crobc comme l'unique dé d'interprétation de tous les aaes posés par Jésus.

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Depuis les affirmations contrastées du prologue (1,14.18) jusqu'aux situations apparemment opposées du Disciple et de Thomas (20,8.29), le IV' Evangile déploie une véritable théologie du « voir », en dépendance direae du mystère de l'Incarnation. D'une part, la vie terrestre de Jésus constitue la face visible d'une réalité divine, en soi parfaitement inaccessible ; et, de ce fait, les aaes de Jésus ont valeur de signes, destinés à manifester la gloire, c'est-à-dire la relation réciproque du Père et du Fils. D'autre part, le goût du spectaculaireet l'attachement aux apparences menacent toujours de détourner les signes de leur fonction propre : le risque est alors grand de récupérer les aaes de Jésus et de n'y voir que des prodiges, sans autre effet que la satisfaoion immédiate de leurs bénéfidaires. Seule la aoix de Jésus a le pouvoir d'amener le regard à l'essentiel : l'excès même de l'amour divin, au-delà de toute représentation sensible, dans une nudité d'autant plus aveuglante que ne subsiste aucune diversion du côté de l'apparence
Une telle tentative d'articuler le « voir » et le « aoire » atteste non seulement une grande luddité de la part de l'évangéliste, mais encore une volonté délibérée de purifier la foi de toute dérive imaginaire Ce parti pris mérite d'être interprété en fonction des débats internes au christianisme anden ; il pourrait, à la rigueur, passer pour un premier essai de « démythologisation », appliqué à la démarche de foi en ellemême... En ce sens, la réflexion johannique sur le « voir » paraît singulièrement adaptée à notre époque avec son goût du spectacle et l'empreinte forcenée des médias, y compris dans la^sphère des aaivités religieuses.