Il est des régions du monde, et en particulier en Afrique subsaha­rienne, où l’accès à l’écriture a coïncidé avec l’arrivée des premiers missionnaires. Ceux-ci se sont aussitôt préoccupés d’apprendre à lire à leurs nouveaux fidèles en ouvrant des établissements scolaires. Ils ont trouvé en place ce que nous appelons aujourd’hui des « reli­gions traditionnelles » qu’un bon nombre d’entre eux désignèrent sous le terme d’« animisme ». Des religions où prévalait le culte des ancêtres, mais qui ne reposaient pas sur un corpus écrit. Edmond Ortigues a consacré un livre sur le sujet dont le titre est significa­tif : Religions du Livre, religions de la coutume 1. Dès lors, il peut être instructif de parcourir certaines étapes significatives de l’accueil qui a été réservé progressivement à la Bible jusqu’à sa complète intégration, dans cette partie du monde où se trouvent aujourd’hui de fortes communautés chrétiennes 2.
 

Comment les nouveaux prophètes s’émancipent


Situons-nous au milieu du XIXe siècle, l’âge d’or de l’expansion missionnaire en Afrique non musulmane. À la différence des catho­liques, les missionnaires protestants s’employèrent à mettre aussi vite que possible les fidèles en contact direct avec la Bible. On peut dire qu’il s’agissait là pour eux d’un élément essentiel à l’évangélisa­tion. Ils le tenaient de Martin Luther lui-même et de la doctrine du « libre examen » : « Chacun court son propre risque en choisissant sa manière de croire et chacun doit veiller lui-même à ce que sa foi soit correcte » 3. Mais cela supposait un considérable effort pour traduire la Bible dans les langues du pays, afin de rendre possible la lecture personnelle de