OEuvre conjointe de René-Samuel Sirat (Grand Rabbin du Consistoire central de France), d’Olivier de Berranger (évêque de S aint-Denis) et de Youssef Seddik (spécialiste de la pensée islamique), ce livre a été publié par Bayard en 2007, il compte 302 pages et coûte 20 euros.

Il est des livres qui arrivent à point nommé ! Celui-ci en est un, qui convoque trois hommes de dialogue, solidement ancrés dans leur propre tradition religieuse, à présenter chacun à sa manière — mais sous le regard des deux autres — certains des grands récits ou des figures fondatrices de leur patrimoine commun. Différents par leur histoire et par leur fonction au sein même de leur religion, le rabbin, l’évêque et l’universitaire ont joué le jeu, et le résultat est à la hauteur du projet de l’éditeur : montrer, comme aurait dit Paul Ricoeur, qu’il est possible de mieux « se comprendre devant le texte » dès lors que l’on accepte de prendre en considération la façon dont l’autre se comprend lui-même, autrement que nous, devant le même texte.
Pour atteindre cet objectif, les neuf premiers chapitres du livre donnent successivement la parole au juif, au chrétien et au musulman, afin qu’ils commentent des récits ou des traditions ayant trait aux grandes étapes de l’histoire biblique. Certes, ces traditions sont consignées dans des livres qui ne sont communs qu’à la Bible hébraïque et à la Bible chrétienne. Toutefois, même s’il s’y réfère de manière différente, le Coran en est également imprégné. Averti de ces nuances, le lecteur est alors séduit par la multiplicité des horizons de lecture qui lui sont proposés. Même s’il n’y a pas véritablement « dialogue », la succession des interprétations, la différence des modes de lecture et des points d’insistance permettent de pressentir la fécondité que pourrait engendrer une herméneutique dialogale entre croyants de différentes traditions.
Le dixième chapitre — sans doute le plus important — invite chacun des trois auteurs à expliciter le regard que porte sa Tradition sur les deux autres. Les différences, parfois irréductibles, apparaissent alors, ainsi que le poids de l’histoire. Le Grand Rabbin Sirat, tout en reconnaissant l’essor actuel des relations judéo-chrétiennes, rappelle cependant le lourd héritage de la prétention de l’Église à être le véritable Israël, à l’aide d’une théologie de la substitution qui a laissé des traces durables. Même si le contentieux est moins lourd avec l’islam, le Grand Rabbin appelle de ses voeux de nouveaux penseurs qui continueront le travail d’Averroès, comme il souhaite, en judaïsme, de nouveaux Maïmonide !
Après lui, Mgr de Berranger revient sur l’antijudaïsme chrétien, teinté de marcionisme et développé en théorie de la substitution, mais signale les progrès accomplis depuis la conférence de Seeligsberg en 1947, progrès qui restent certes encore à poursuivre. Puis, tout en exprimant sa profonde admiration pour le sens de Dieu, le sens du Livre...

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