L’appellation de Christ soignant peut sonner de manière étrange à nos oreilles, dans la mesure où la Tradition chrétienne, tant d’Orient que d’Occident, lui a préféré, depuis les origines, le titre théologiquement plus prestigieux de Christ médecin. La figure du médecin, en effet, s’impose à notre esprit comme celle de l’homme assermenté, officiellement reconnu dans sa maîtrise d’un ensemble de connaissances et de pratiques au service de l’art de guérir. Le qualificatif de soignant, en revanche, moins élitiste sans doute, a peut-être le mérite de ne pas préjuger des pouvoirs de Jésus et d’attirer bien plutôt l’attention sur l’attitude intérieure de celui-ci face à la souffrance humaine.


Un « Christ soignant » ? 

La réminiscence du grec renvoie la qualité de médecin (iatros) à la capacité de trouver des remèdes (iama), ainsi qu’à une habilitation à les prescrire et les administrer. Subsiste toujours dans notre imaginaire cette idée que le médecin, à l’instar du prêtre ou du devin, jouit d’une aptitude toute particulière à pénétrer les secrets de la nature. Avec la notion de soignant, en revanche, nous touchons à un tout autre registre de sens, plus inclusif. En grec, ce terme correspond à celui de « thérapeute ». L’idée sous-jacente évoque de manière plus concrète la notion de « soin ». Avant de guérir, soigner, c’est soulager ; et aussi, à bien des égards, éduquer. Dans la finalité du soin, certes, on ne perd pas de vue la guérison, mais on ne néglige pas les étapes qui y conduisent éventuellement ; et, tout au long de ces étapes, l’accompagnement de l’être souffrant revêt une importance capitale.

Jésus ne se dit pas médecin

Par deux fois, dans les Évangiles, Jésus pourrait laisser entendre qu’il se désigne comme médecin :

• En réponse à la critique de ceux qui lui reprochent de fréquenter les publicains et les pécheurs, Jésus témoigne plutôt de sa compassion pour les êtres, sentiment qui ne fait que révéler par contraste la dureté de cœur de ses contradicteurs : « Ce ne sont pas les gens valides qui ont besoin de médecin mais ceux qui vont mal » (Mt 9,12). C’est là une manière parabolique, non de se dire médecin, mais de marquer sa compassion pour les pécheurs, à l’instar du médecin qui a souci des malades : « Allez donc apprendre ce que signifie : “C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice.” Car je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs » (9,13). En d’autres termes, la bonne santé des pécheurs ne suffit pas à Jésus. Il veut les remettre en mouvement pour que fructifie en eux le potentiel de justice inhérent à tout homme. Si Jésus n’était que médecin, au sens ordinaire du terme, son attention se porterait peut-être davantage sur la maladie et sur les manifestations extérieures de la guérison. Si Jésus est plus que médecin, sans doute est-ce ici parce que son attention se porte davantage sur la personne et sur son inaliénable potentiel de vie. Peut-être est-ce là aussi le véritable soignant, ce thérapeute que l’on trouve bien sûr en tout authentique médecin, à savoir celui qui honore