On ne sera pas surpris de lire, sous la plume de Michel Fédou, un exposé de christologie à la fois clair, profond et synthétique. Il n'en reste pas moins étonnant de se promener dans un livre qui couvre deux mille ans d'histoire de l'Église et de théologie sans se perdre ni s'ennuyer. C'est pourtant ce qui se produit avec ce bel ouvrage, dont l'épaisseur ne doit pas effrayer le futur lecteur ! Il pourra, s'il le souhaite, se servir de ce livre comme d'une encyclopédie où l'on vient piocher pour savoir, en quelques pages, ce qu'il faut retenir de la pensée d'Anselme de Cantorbéry, de Francisco Suárez ou de Nicolas Berdiaev. Même pour des auteurs apparemment passés sous silence, il n'est pas rare que Michel Fédou prenne le temps d'expliquer, en quelques lignes, ce que l'on aurait pu en dire ! À ce titre, l'index qui clôt l'ouvrage s'avère précieux, car il permet de repérer instantanément le passage où tel théologien est abordé, fût-ce au détour d'une note de bas de page. On pourra également se laisser guider par l'auteur et suivre pas à pas les évolutions de la christologie « au fil des siècles », depuis l'Antiquité – qui est rapidement traitée, car elle a déjà fait l'objet de nombreuses études par le même auteur – jusqu'à l'époque contemporaine. Celle-ci occupe une large place et offre l'occasion d'une synthèse particulièrement précieuse sur les différents courants de la christologie au XXsiècle, en Europe mais aussi en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique et en Asie. Le fruit propre d'une telle lecture sera, comme le souhaite Michel Fédou, de se « rendre sensible à la riche variété de la christologie » à différentes époques (p. 77), tout en écoutant chacune des figures et des œuvres ainsi ramenées à la vie « dans ses lignes de force » (p. 150) : non pas pour chercher qui a raison, mais plutôt pour s'émerveiller devant la fécondité de la tradition chrétienne. À travers l'étude des grands conciles, des moines et des théologiens, des réformateurs et des mystiques, le lecteur verra se dessiner l'image d'une Église plurielle qui compose, dans le temps et dans l'espace, son propre tableau du visage du Christ.

On sera dès lors particulièrement attentif à la manière dont Michel Fédou conclut son ouvrage. Certes, en bon enseignant, il commence par récapituler son propos et par proposer au théologien, en guise d'ouverture, un certain nombre de défis à relever et de moyens à mettre en œuvre pour cela. Mais les toutes dernières pages vont plus loin : elles exposent le sens même de toute entreprise de christologie historique, à travers l'exposé de deux thèses. La première affirme que retracer l'histoire des christologies n'est pas un simple travail d'historien, mais un véritable acte théologique. La seconde, que cet acte revêt en outre une portée doxologique. Qu'il nous soit permis de gloser : si le lecteur accepte de se laisser entraîner à contempler le Christ à travers les différentes facettes que lui propose l'historien du dogme, il entrera à son tour dans un regard nouveau, et unique, sur le Christ. Il vivra lui-même une expérience théologique. Où l'on voit que cette lecture ne laissera pas indemne le lecteur, invité à lire pour comprendre – et à comprendre pour rendre gloire à Dieu.