Cet article est la contribution que Remi de Maindreville a rédigée pour le colloque « Jésuites et protestants (XVIe – XXIe siècles) » qui s’est déroulé à Lyon les 24 et 25 mai 2018.


Les protestants et le protestantisme sont peu présents dans la revue Christus. Faut-il interpréter cette modestie du dossier comme un manque d’intérêt de Christus, ou même des jésuites, pour les protestants et pour le mouvement oecuménique ? Sûrement pas ! Tout d’abord, le contenu et la forme des articles publiés expriment une recherche de vérité des comportements ainsi qu’une communauté d’esprit dans le rapport à la différence et à l’unité entre des confessions longtemps opposées, souvent avec violence. Mais surtout, les thématiques développées dans les articles, en regard de la distribution des numéros dans le temps, témoignent d’une évolution des questionnements et des attitudes spirituelles des uns et des autres. Cette intervention voudrait en proposer une lecture fondée sur trois périodes.

« Une voix protestante à la veille du Concile »

Cette voix est celle d’Émile Ribaute, pasteur de l’Église réformée de France à Marly-le-Roi, qui intitule ainsi le texte1 que la revue Christus, créée huit ans auparavant, lui a demandé pour « présenter quelques unes des questions soulevées par les perspectives d’un rassemblement des chrétiens », est-il écrit dans le liminaire. Le concile oecuménique vient alors d’ouvrir sa première session. Avec deux autres articles signés par des jésuites, celui de Ribaute forme un petit ensemble qui donne, pour la première fois dans Christus, un « écho » de la vie protestante et de la réalité du protestantisme en France et dans le monde. Une « voix », des « échos », ces mots sont en effet les plus adaptés pour donner corps à l’autre, perçu jusqu’ici comme « non catholique et minoritaire », dans une identité référée à la « nôtre » sans qu’on n’exprime rien de la sienne. La parole donnée à l’autre, la recherche de « contacts », le « dialogue », avec l’expérience des convergences et des divergences, voilà qui donne son unité et son sens à cette première période des relations entre jésuites et protestants à travers la revue Christus, entre 1962 et