C’est ainsi qu’une de mes amies m’annonce la naissance de son petit-fils. On rêve de cet instant ou on l’appréhende. Mais un beau jour, nous voilà promue grand-mère. On n’y peut rien, ce sont nos enfants qui ont ce pouvoir. Il nous reste le choix de l’appellation, contrôlée évidemment, par ces chers petits devenus parents ! Pour celles qui ne le seront jamais, parce qu’elles n’ont pas eu d’enfants ou que leur progéniture ne désire ou ne peut pas en avoir, ce statut est enviable et envié. La réalité psychologique est plus complexe. Elle ouvre à une série de paradoxes : la grand-maternité est un état, et un chemin. Elle est une naissance, et un deuil. Elle institue la continuité familiale et, dans le même temps, crée chez la femme une rupture. Nous allons analyser ces dynamiques à la lumière des propos que mon oreille de psychanalyste écoute. Certaines femmes doutent de leur rôle, face à un monde qui les dépasse, à des comportements qui les choquent, et d’autres avancent avec une force tranquille, en reproduisant un modèle qui les a nourries, ou en étant capables d’en inventer un. Il y a surtout les petits-enfants. Ils disent combien, à tous les âges, ils attendent de ces proches qui ne sont ni des parents ni des copains.

Devenir grand-mère : une chance ?


Christine a la soixantaine et plusieurs casquettes : elle est cadre, elle est la fille de ses parents âgés, elle est la mère avec un petit dernier qui vient juste de quitter la maison, elle est la bénévole qui a pris un engagement à la mairie et elle est la femme qui s’est enfin octroyée, cette année, une heure de gym. Le téléphone sonne, jeudi soir. Une intuition la fait hésiter à décrocher : « Tu peux me garder Benjamin ce week-end ? On voudrait aller à la mer. » Elle repense alors à ce café-théâtre où les trois actrices enlèvent des perruques blanches, jettent leurs tabliers et leurs cannes pour apparaître en jean, louant le répondeur qui leur permet de ne pas être au service 24h sur 24 de leurs enfants. Elle réfléchit : « Que privilégier ? Sa fille et son couple ? La relation que ce temps ensemble va créer avec son petit-fils ? Ou elle-même, et ce dimanche, le premier qu’elle a de libre depuis deux mois ? » Aude a 45 ans. Habillée en Zara, venant de faire une formation, et entamant un nouveau métier qui la passionne, elle arrive effondrée à sa séance de psychothérapie. Elle s’allonge sur le divan et s’écrie : « Ma fille vient de m’annoncer que j’allais être grand-mère. Cela ne me fait aucun plaisir. Je me sens monstrueuse. J’ai la sensation qu’elle me repousse dans un placard aux accessoires, que je ne suis plus femme, que j’ai pris dix ans en une minute. Moi qui me suis sentie si mère, je ne me sens pas prête. » Je lui demande d’imaginer autour de ce mot de grand-mère : « Une cuisine sombre, avec ma grand-mère en noir et gris en train de faire cuire un ragoût. » Devenir grand-mère nous renvoie à nos propres images de grands-parents, à nos vécus d’enfant, a...
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