Bayard, 2009, 350 p., 19 euros.

« Le Christ ne nous a jamais deman­dé d’être nombreux, il nous a demandé d’avoir du goût, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. » Voilà qui donne sa tonalité et son ambition au dernier ouvrage d’Albert Rouet, quelques mois avant de quitter le diocèse de Poitiers dont il aura été l’archevêque pendant plus de quinze ans.
Une dizaine d’entretiens savoureu­sement mais discrètement menés par Dennis Gira, théologien et journaliste, nous entraînent dans une passionnante visite de l’Église et des questions que la mondialisation et la culture moderne posent au croyant et à la conscience individuelle. Tous ceux qui ont apprécié les précédents ouvrages du P. Rouet re­trouveront avec joie la finesse de ses ana­lyses, ses vues pénétrantes sur l’Église et l’avenir, soutenues par le dynamisme et l’intelligence d’une foi qui continue de nourrir l’espérance de tant de chrétiens et militants.
Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Il ne s’agit pas d’un panorama des ques­tions posées à la foi ni d’une vision particulière de l’Église actuelle, encore moins d’un testament. Jamais en effet on ne quitte le terrain pastoral, l’en­racinement singulier de cette Église dans un terroir où les liens de la foi et de l’histoire demeurent culturelle­ment vivants et féconds depuis Hilaire et les premiers évêques de la cité. D’où le souffle de ce livre qui est d’abord une lecture spirituelle du monde et de l’Église d’aujourd’hui. Le neuvième cha­pitre, très dense, est consacré à la vie spirituelle. À l’écoute d’Albert Rouet, on voit comment s’articulent et s’unifient dans la foi la mémoire qui suscite toute la richesse de l’histoire, l’intelligence qui court de l’Écriture à la réalité, et la volonté, le coeur en quête de « l’Absent de l’histoire » qui se donne toujours à redécouvrir dans une présence ressus­citée et heureuse pour tous.
Parmi beaucoup de pages originales, celles qui concernent Hilaire de Poitiers au début du livre sont particulièrement touchantes. La relecture très personnelle qu’en fait le P. Rouet, les trois « éblouis­sements » qui scandèrent la vie person­nelle et ecclésiale du saint, son sens des hommes et de l’Église, disent mieux que toute confession la foi et l’amour de l’Église qui ont présidé à cet ouvrage.