Quoi de plus simple et d’anodin que de cliquer sur un clavier ou de tapoter sur un écran tactile ! Familiers de ces gestes quotidiennement répétés, nous voici devenus de véritables explorateurs partant à la découverte de territoires inconnus, de vrais navigateurs effectuant de grands voyages dont certains nous ouvrent les portes de nouveaux mondes…


De l’insouciance au vertige…


D’un surf insouciant et léger, me voici parfois prise d’un véritable vertige quand je réalise qu’à portée de main, qu’à portée de doigts, qu’à portée de clics, un univers sans limite s’offre à moi alors que je n’ai pas quitté mon bureau. La puissance de l’outil m’émerveille, me subjugue… et je sais pourtant que je n’en perçois qu’un petit bout. Me voici « saisie de crainte » et de stupeur devant l’intelligence humaine, devant le génie humain capable d’inventer des outils d’une telle puissance !

Par toutes les couleurs


Si je me mets à l’écoute des sentiments qui m’habitent lorsque je surfe, je m’aperçois que leur gamme est très étendue. Saisie d’étonnement et émerveillée devant une bonne page qu’une personne m’invite à découvrir, je peux être prise quelques minutes plus tard de répulsion ou de nausée devant le contenu glauque d’une autre à laquelle j’accède en poursuivant mon exploration.
Il faut s’y faire : sur la Toile, se côtoient le meilleur et le pire, l’excellent et le médiocre, le merveilleux et le sordide, le beau et le laid, la finesse et la bêtise… Un simple clic ou quelques lettres renseignées dans la barre d’adresse suffisent à faire le grand saut de l’un à l’autre : et c’est là, chez moi, sur mon écran ; ça me saute aux yeux !
La toile avec ses connexions démultipliées réserve bien des surprises. En étant attentive à l’usage que j’en fais et aux choix que je pose, j’en apprends beaucoup sur moi.

Ceci, mais pas cela


Mon utilisation d’internet est quotidienne, du matin jusque tard le soir pour des usages divers : me servant essentiellement à communiquer et à m’informer, je l’utilise également pour certains achats et, dans une mesure moindre, pour me divertir. En ne faisant pas le pas des réseaux sociaux, j’ai conscience de m’exclure volontairement de toute une part de la toile. Mais une chose est sûre : à ce jour, cet univers ne me manque pas.
Quand internet a pu tenir dans mes poches et dans mes mains grâce à ce fabuleux outil qu’est le « smartphone », j’ai fait le choix de n’avoir que peu de données mobiles, cependant suffisantes pour consulter mes courriels en cas de besoin. Malgré la grande admiration que j’ai pour l’outil, je n’adhère décidément pas au matraquage publicitaire quotidien qui veut nous faire croire que la liberté est dans le surf illimité et permanent : toujours plus et toujours plus vite ! Car, en moi-même, je vois bien le travail intérieur nécessaire pour me mettre à distance de la pression des courriels qui arrivent à grands flots et dont l’urgence est à la hauteur de la facilité à manipuler l’outil pour les consulter et y répondre.
 

Un acte politique et social


Si la toile peut parfois devenir lieu de propagande pour de bien tristes causes ou d’exposition de soi sans aucune pudeur ni réserve, je la vois également comme un lieu possible de combat et de soutien à des causes justes et belles. La manière de « consommer » internet ne saurait être neutre mais demeure un acte éminemment politique et social. Je suis intimement convaincue que notre façon de naviguer est un véritable pouvoir personnel à exercer en conscience, tant il contribue à dessiner notre monde d’aujourd’hui. Alors certes, face à certains géants qui ont pignon sur rue et monopolisent le devant de la scène sur la toile, la lutte est inégale et peut sembler perdue d’avance. Mais je n’ai certainement pas l’intention de renoncer à ma liberté de cliquer ! Cliquer ici plutôt que là pour trouver une alternative quand j’ai besoin du service de certains sites mais que leur politique, leur financement, leur idéologie et leur vision du monde ne laissent pas ma conscience tranquille. Sortir des autoroutes toutes tracées pour trouver des axes secondaires demande du temps mais m’a permis quelques découvertes que je ne regrette pas…

Stop !


Très largement dépendante d’internet au quotidien – quand une rare panne survient, celle-ci me semble toujours durer une éternité ! –, j’ai pourtant un grand besoin de jeûne complet, de « journées sans »… Elles sont rares, ces journées, mais oh combien précieuses ! L’acte de rompre avec le rythme quotidien est difficile et exige, je le sais maintenant, une vraie décision. C’est que la greffe numérique a tellement bien pris que, quand je coupe, j’ai l’impression de m’amputer d’un tas d’antennes devenues nécessaires à ma vie, de couper dans le vif.
Stop au surf, stop aux courriels, stop à Skype, stop aux images, stop à l’écran. Que j’aime pourtant ces journées relativement rares et privilégiées où je me déconnecte. La période de plus grand sevrage dans l’année est la semaine que je consacre à ma retraite où je me retire dans un endroit désert pour prier et où je me mets délibérément et joyeusement à l’écart du flot continu d’images, d’informations et de communications.
Dans le cours de l’année, si la décision de stopper n’est pas toujours simple à prendre, je suis chaque fois surprise de constater qu’internet ne me manque nullement dans ces « journées sans ». Car j’expérimente alors le sentiment de goûter à une liberté neuve qui a la douce saveur d’une manière simple d’habiter l’espace et le temps. Je suis ici et maintenant… je ne suis qu’ici et que maintenant. Cela repose et contribue à refaire les sources vives en moi. Ce jeûne m’aide également à revenir autrement à cet outil fabuleux, dans une distance plus ajustée. Il faudrait décidément que je m’offre davantage de « journées sans » !