Être sans destin : Imre Kertész, prix Nobel de littérature en2002, né à Budapest en 1929, a donné ce titre à son premier roman, publié à Budapest en 1975 (traduit chez Actes sud en 1998), où il raconte comment il a été déporté à Auschwitz à l'âge de quinze ans. Ce même titre pourrait convenir à l'ensemble de son oeuvre qui, roman après roman, s'est édifiée sur cette absence de destin, sur le vide creusé par les humiliations subies depuis l'expérience initiale d'Auschwitz, et que la dictature hongroise a renouvelées avec une sorte de souci inventif qui n'a en lui rien épargné, hors l'écriture.

Une expérience extrême


Quel droit avons-nous de soumettre à une analyse littéraire une expérience aussi extrême, vécue par autrui et proprement incommunicable ? Aussi bien, il ne saurait s'agir ici de la « soumettre », mais de tenter de remplir de notre mieux le rôle d'un lecteur réceptif à la grandeur d'une oeuvre tout entière élaborée à partir de sa constante mise en doute par l'auteur lui-même. Au processus