Introd. B. Pottier. Éd. et trad. A. Rousseau. Lessius, coll. « Donner raison », 2008, 350 p., 24,50 euros

Ces Homélies sur le Cantique des Cantiques ont été écrites par un homme éprouvé par la vie, marqué au fer rouge des tensions politiques et religieuses de cet Empire au christianisme aussi offi­ciel qu’oscillant, mais que le concile de Constantinople de 381, dont Grégoire fut un artisan, semble stabiliser. Grégoire se retire alors de la vie publique, et dans les vallons du Milanais, il approfondit la spiritualité monastique.
Ce commentaire du Cantique des Cantiques n’est pas une érudite médita­tion d’un esprit hautement spéculatif, mais bien une théologie, une prière long­temps ruminée au creuset des combats du monde et de l’âme : le monde en at­tente de l’Époux-Messie et l’épouse noir­cie du Mal où sa beauté originelle s’est abîmée. Elle attend, désire, répond à l’ap­pel de l’Époux, et devient alors ce qu’elle est. L’être, chez Grégoire de Nysse, est avant tout dynamique, élan, marche, et le dialogue amoureux de l’épouse et de l’Époux n’est qu’une sublime expression de cette marche de l’être vers Dieu. Tra­versée de la « nuit mystique » qui révèle que le mouvement n’est pas en réalité de l’homme vers Dieu, mais bien de Dieu vers l’homme : l’épouse découvre que l’Époux s’est donné avant même son désir, paradoxe que Grégoire décline à chaque page ou presque. Beauté retrou­vée de l’épouse, « vraie Beauté », agapè reçue au travers de l’erôs et le relançant sans cesse.
La marche est combat chez Grégoire, combat en plein soleil de Résurrection, certes, mais combat tout de même. Il nous apprend à lire le Cantique comme une théologie de « la création perpétuel­le » de l’épouse par l’Époux. Une théolo­gie, c’est-à-dire un chant, et la traduction d’Adelin Rousseau, cistercien, en restitue la fluidité sans élaguer pour autant les multiples sarments qui sont autant de nuances et de possibles apportés au cep de la pensée de Grégoire.