Seuil, 2008, 220 p., 18 euros.

Comment raconter l’histoire de Taizé ? Jean-Claude Escaffit et Moïz Rasiwala, journalistes, relèvent le défi en visitant sept décennies étonnantes, chaque pé­riode étant marquée par le caractère prophétique de l’intuition de frère Roger. L’ouvrage ne s’arrête pas tellement à la dimension spirituelle et évoque peu la manière dont Taizé touche l’intime de ceux qui gravissent la colline. Le propos nous entraîne davantage dans le chemin universel du dialogue et de la réconcilia­tion. « C’est d’abord au niveau, non pas des idées, mais de la foi, de l’espérance et de la charité, par les moyens de la prière commune, de l’amour fraternel, des gestes simples et significatifs », que se vit l’oecuménisme, confie un frère.
Dès les débuts de la communauté en 1940, frère Roger le protestant cherche la brèche qui va réduire les murs d’in­compréhension entre chrétiens. Année après année, Taizé devient un pont entre les confessions, mais aussi entre l’Est et l’Ouest, bientôt entre le tiers-monde et l’Occident, enfin entre les générations qui se succèdent… Si frère Roger a tou­jours entretenu d’excellents liens avec Paul VI ou Jean Paul II, les relations ne furent pas toujours simples entre la communauté et les églises protestan­tes ou les autorités vaticanes… C’est la pertinence de ce livre que de montrer la douce et ferme patience des frères de Taizé, enracinés dans la prière. Loin d’être un refuge paisible, Taizé est un laboratoire du dialogue, et l’expérience concrète que c’est d’abord en soi que tout se joue. « La prose méditative de frère Roger ne vise pas à convaincre, souligne le pasteur Michel Leplay, mais à témoigner d’un cheminement de soi à soi, de soi aux autres, de Dieu à tous, et de tous à Dieu. »
Enfin, la grande liberté de Taizé renvoie chacun au lieu où il est enraciné, géographiquement et spirituellement, sans capter ni détourner, « comme on passe près d’une source, disait Jean Paul II. Le voyageur s’arrête, se désaltère, et continue sa route ». Inviter chacun à plonger au coeur de son intériorité pour avancer dans le concret de son existence… Ce n’est pas un projet ni même un souhait : c’est une réalité dont témoigne l’histoire de Taizé.