À quoi peut ressembler le découragement dans les arts visuels ? Existe-t-il une iconographie qui montre cette étape où quelqu’un fait l’expérience de l’impuissance et ne pense pouvoir trouver ni aide ni remède ?
Le Champ de blé aux corbeaux de Van Gogh peint en juillet 1890, Le Concert (1955) de Nicolas de Staël, l’une des toiles de février 1970 de Mark Rothko : Black on Grey (noir sur gris), ne sont pas des peintures qui figurent le découragement. Nous devinons qu’elles le contiennent au fait qu’elles sont parmi les dernières avant que ces artistes ne se suicident. Alors nous y cherchons les indices de ce moment où le créateur va sombrer. Il n’y a pourtant là, dans ces tableaux, rien qui ressemble à de la défaite. Il y a tout au contraire une activité créatrice, hardie, une audace dans le traitement. C’est là le paradoxe : le sujet (le motif) n’est pas l’état du sujet (l’auteur).
Des images apparentées
À la différence de la Chute ou de la Mélancolie qui sont des pistes artistiques dont la présence est récurrente au cours des siècles, comme le déclare la conservatrice Catherine Grenier dans le catalogue de l’exposition Traces du sacré 1, le découragement n’est pas un thème en art. Il n’a pas d’image ressemblante, il n’a que des images apparentées.
Pour la critique d’art Sarah Wilson 2, il semble que pas une parcelle de l’art du XXe siècle n’échappe à la vision de l’être meurtri. Toute oeuvre, à un degré ou à un autre, porte en elle la violence des conflits. S’il ne s’agissait que de chercher des raisons au découragement humain, plus particulièrement dans l’art quand on sait la sensibilité aiguë des créateurs, la guerre les donnerait toutes et il suffirait de ratisser toutes les périodes où sévissent les rapports de force meurtriers pour trouver mille et une images susceptibles d’en rendre compte.
Pour la critique d’art Sarah Wilson 2, il semble que pas une parcelle de l’art du XXe siècle n’échappe à la vision de l’être meurtri. Toute oeuvre, à un degré ou à un autre, porte en elle la violence des conflits. S’il ne s’agissait que de chercher des raisons au découragement humain, plus particulièrement dans l’art quand on sait la sensibilité aiguë des créateurs, la guerre les donnerait toutes et il suffirait de ratisser toutes les périodes où sévissent les rapports de force meurtriers pour trouver mille et une images susceptibles d’en rendre compte.
La fonction d’exorcisme qu’assume l’art, place celui-ci directement au premier plan de l’exécution visible de ces désordres inouïs, à la fois pour les conjurer et pour appeler de tous ses voeux les moyens d’une rédemption de la réalité disloquée. Dessins, peintures, photos, installations entretiennent ces tensions dans le regard. Le seul fait qu’ils les exposent pourrait cependant susciter de nouveau le découragement, à voir le monde sans cesse aux prises avec l’absurdité et la cruauté, non seulement le monde mais ses représentations, comme un feu nourrissant l’incendie.
Le pire du découragement ne serait-il pas l’absence d’image ? Il y a tout lieu de penser que l’artiste au plus fort de l’abattement ne produit rien. Créer questionne ce qu’il en est de mettre l’oeil en éveil, séduire, satisfaire une voracité visuelle, en pouvant tenir le spectateur par le regard, ou l’apaiser par une vision. C’est le problème de l’accès à la visibilité qui est en jeu.
L’oeuvre d’art n’est pas une illus...
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