La miséricorde s’éprouve plus qu’elle ne se définit. Emerveillement, étonnement d’être né, d’être en vie, d’être reconnu, estimé,  aimé, malgré les raideurs, le calcul, l’arrogance ou le dépit qui ferment et dessèchent notre cœur. Nous découvrons que nous sommes l’objet d’un pardon qui nous sauve ainsi d’une mort spirituelle, morale et relationnelle. Davantage,  comme le fils du père prodigue, nous éprouvons comme  une marque  d’amour démesuré et un peu fou, un accueil et une confiance qui nous dépassent et nous  relancent dans  l’existence. Ce goût rendu de vivre et d’aimer, cette joie retrouvée d’aller de l’avant et de prendre  à bras le corps les questions et obstacles qui se dressent sur notre route, sont ceux-là même que le Peuple de Dieu éprouvait dans ses libérations successives et l’ardeur de ses prophètes.

Les Exercices spirituels de saint Ignace nous invitent à nous émerveiller tout particulièrement de ce que la création nous a laissés en vie, malgré le mal commis. Accueillir la miséricorde pour en vivre n’est pas une expérience strictement individuelle, qui se jouerait à l’intime du cœur et de l’affectivité de chacun. Elle nous relie à tout l’ensemble du monde créé, de même que la violence du péché nous en séparait. N’est-ce pas ce qu’éprouve aujourd’hui une grande partie de la population mondiale à l’égard d’une planète et de sociétés qui ont tellement commis et subi la violence ? Le pape François invite expressément à en avoir une conscience aigüe pour s’engager dans des relations et une solidarité nouvelles et plus justes, qui donnent à tous le goût de vivre, mêmes dans les régions aujourd’hui les plus hostiles ou menacées.

Renouvelons notre baptême, revêtons à la manière propre à Jésus et tellement salutaire d’habiter le monde et les relations.