Chercher et trouver Dieu en tout » : ainsi a-t-on intitulé une « retraite dans la vie » proposée depuis 1987 au Cénacle de Versailles. Sans être la première de ce type dans un Cénacle, c'est certainement la formule qui a la plus longue durée d'existence sans interruption. Cette retraite a déjà touché environ quatre cent cinquante personnes de Versailles, et plus largement des Yvelines, de Paris et des départements limitrophes. Depuis plusieurs années, cette retraite est aussi proposée au Cénacle de l'avenue de Breteuil à Paris, ce qui permet de faciliter la démarche des personnes de la capitale.
A l'origine, il y a eu une importante demande d'Exercices spirituels dans la vie, exigeant une très grande mobilisation de soeurs pour les accompagner. On lança donc le projet d'une formule associant une démarche de groupe avec un accompagnement personnel, formule permettant d'accepter un plus grand nombre. Ces demandes de retraite dans la vie courante venaient surtout de personnes très engagées, depuis plusieurs années, à un niveau ecclésial ou associatif et s'interrogeant sur leurs lieux de ressourcement personnel, parfois aussi de personnes à un tournant de leur vie, avec une décision à prendre. Ce qui caractérisait la plupart, c'est qu'elles ne pouvaient s'absenter une semaine pour vivre une retraite dans un centre spirituel. Certaines même faisaient part de leurs difficultés à suivre une retraite de forme « classique » : « Cela va bien pendant la retraite, mais quand je reviens chez moi, c'est la "chute". Je ne sais comment m'y prendre dans la vie courante pour prendre un peu de distance par rapport à ce que je vis. »
 

Pourquoi cette proposition ?


Cette retraite, qui se déroule de novembre à mars, cherche à aider les participantes à vivre plus profondément leur vie chrétienne au quotidien. Elle vise en particulier à leur proposer les moyens pour que leur vie de foi puisse s'incarner toujours un peu plus dans leurs relations familiales, amicales ou professionnelles. Une rencontre préalable est demandée à ceux qui désirent faire cette retraite pour voir si elle correspond à leur attente. C'est aussi le moment d'évaluer s'ils peuvent concrètement prendre cet engagement dans la durée, si leur désir est assez fort pour aller jusqu'au bout et tirer profit de la retraite Si le contenu de la retraite a évolué durant ces quatorze années d'expérience, la forme est restée très stable, en associant plusieurs propositions :
• Des rencontres comprenant, après un bref temps de prière : 1. Un temps de partage en groupe de quatre ou cinq sur la manière dont chacun a vécu la quinzaine écoulée ; 2. Un apport sur une manière de prier avec la Parole de Dieu, avec sa vie, et sur le discernement ; 3. Un apport sur l'orientation de la quinzaine à venir et les textes d'Ecriture proposés pour cette période ; 4. Des « travaux pratiques », c'est-à-dire des « prières guidées » ; 5. L'utilisation de moyens autres que la parole (vidéos, reproductions artistiques, etc.).
• Entre chaque réunion de groupe, un accompagnement avec un des membres de l'équipe.
• La mise en oeuvre régulière, sinon journalière, de la prière proposée Chacun(e) est invité à trouver son rythme, la longueur et la fréquence de ses temps de prière, suivant ce qu'il (elle) est.
• Enfin, un feuillet est remis à chaque rencontre pour aider à garder trace des apports, des textes proposés pour la prière, tirés de la Bible ou d'auteurs anciens mais plus souvent contemporains, permettant d'entrer dans la dynamique de la quinzaine sous un autre mode.
Une rencontre finale, sous forme de célébration, a lieu le samedi matin. Quelques pistes sont données pour aider à vivre la période qui suit. Sont proposés en particulier des lectures, des lieux de formation biblique, théologique, spirituelle, et aussi des mouvements pouvant favoriser la poursuite et l'approfondissement de ce qui a été découvert. L'accompagnement proposé dure le temps de la retraite, sans exclure qu'il se transforme en accompagnement dans la vie courante avec l'accompagnateur(trice) de la retraite
 

Quelques échos au fil des années


Voici, glanées dans les réactions des participants, quelques remarques : « Sentiment d'avoir été désencombré, de m'attacher au plus essentiel » ; « Cela m'a conduit à aimer l'Eglise » ; « Découverte du visage de tendresse de Dieu » ; « Découverte de l'humanité du Christ » et, pour un autre, de sa « divinité » ; « Cela devient, petit à petit, partie de la vie quotidienne » ; « Tout ce qui fait la vie rejaillit sur la retraite » ; « J'ai essayé d'être le plus proche possible des événements avec une relecture régulière » ; « Contempler Jésus qui voit, qui est ému de compassion. Du coup, j'ai l'impression que j'apprends à voir en même temps » ; « "Tu es mon fils bien-aimé" : cette phrase est pour moi, mais aussi pour les autres. Cela a changé quelque chose dans ma manière de voir, d'être » ; « J'ai perçu l'importance des "bricoles" dans ma vie. Cela change la façon dont on habite ses journées (...) A nous d'aiguiser notre regard pour voir les petites choses. Sinon, notre vie passe, sans que l'on soit acteur (...) Tout le travail précédent s'intègre. Reconnaissance d'un changement dans le quotidien. » Trouver un temps de prière dans des journées bien remplies, c'est déjà un « exercice » en soi. Il faut trouver ce qui convient selon le temps vécu et la situation où l'on se trouve. Des mères de famille expérimentent que la prière durant le week-end est à vivre différemment de celle de la semaine. D'autres découvrent que le meilleur temps sera à l'heure de midi dans tel oratoire pas très loin de leur lieu de travail, ou bien dans leur voiture avant de commencer leur journée. Les temps d'expérimentation sur place ont aidé un grand nombre à découvrir une manière de prier avec l'Ecriture ou de vivre la prière d'alliance Mais, ensuite, il a fallu trouver le moment propice Durer au long des semaines et des mois est une expérience extrêmement exigeante.
Les partages en petits groupes donnent le moyen de s'enrichir mutuellement de toutes les découvertes, et aussi de se soutenir dans les difficultés. Il y a des moments où plusieurs sont découragés : en parler permet de se découvrir solidaires. Un accompagnateur disait : « Les petits groupes sont "très formateurs". Ils sont un lien entre eux, perçu comme une aide. L'accompagnement permet aussi d'ajuster la proposition au plus près des personnes et de les aider dans leur démarche. »
 

Une évolution


Assez rapidement est apparue la nécessité de proposer quelque chose de plus simple et de moins exigeant en terme de temps. Ainsi est née une autre proposition : « Oasis », initiation à la prière où chacun peut venir une journée, sans s'engager pour toutes les rencontres. Le contenu du premier parcours, depuis, a évolué. A sa création, en 1987, il recouvrait le Fondement et la première semaine des Exercices avec une ouverture vers la deuxième semaine. Ensuite, afin de faciliter l'entrée dans la démarche, l'accent a été mis davantage sur le Fondement. L'année 1999 a vu un allongement de la proposition (sept réunions au lieu de six) et une plus grande insistance sur la prière de contemplation évangélique.
Un certain nombre de personnes, après avoir vécu cette retraite, ont demandé de continuer. Une option nette ayant été prise de ne pas accepter de « redoublants » pour laisser le maximum de place aux personnes désirant « s'initier », on a envisagé la création d'un parcours n° 2, qui a vu le jour au bout de six ans (en 1993). Après une reprise rapide du parcours n° 1, l'accent est surtout mis sur la contemplation de la vie du Christ, ainsi que sur l'approfondissement du discernement. Il se déroule sur deux ans. Actuellement, un nouveau parcours n°2 est proposé parallèlement au premier. Il doit nécessairement s'adapter à l'évolution du premier parcours.
 

Du côté de l'équipe animatrice


Cette expérience peut aussi se lire du côté de ceux qui la proposent. La place originale de cette équipe d'animation n'est apparue que progressivement. Au départ, il y avait quatre personnes, dont trois soeurs du Cénacle et une laïque. Actuellement, il y a treize accompagnateurs pour les deux parcours, dont neuf laïcs hommes et femmes, deux soeurs du Cénacle et deux religieuses d'autres congrégations. Au fil des années, une place de plus en plus importante a été prise par les laïcs. C'est une véritable équipe de travail et de réflexion sur les Exercices, et leur adaptation à cette forme de retraite, qui s'est mise en place — un des aspects forts étant la formation des animateurs.
Même si, au départ, chacun arrive avec au moins l'expérience personnelle des Exercices et une certaine familiarité avec la spiritualité ignatienne, l'équipe d'animation de chaque parcours se réunit plusieurs fois avant le démarrage de la retraite et une fois tous les quinze jours pendant le déroulement de celle-ci. Ces réunions donnent lieu à une relecture de l'étape écoulée, à une écoute critique (bienveillante !) des interventions prévues pour la fois suivante. Sont revus ensemble aussi bien le contenu des interventions que la manière de s'exprimer en public. Ce lieu d'écoute, permet à chacun(e) de se mettre en route, assuré(e) de ce qu'il va proposer. De même, les interventions sont rédigées et données à chaque membre de l'équipe
Quelques échos des petits groupes (en gardant la discrétion nécessaire) permettent d'ajuster les propositions. En effet, si le déroulement garde une certaine stabilité, plusieurs aspects évoluent d'une année à l'autre selon les participants et les animateurs. Une animatrice remarque : « Nous vivons les consolations et les désolations de tout accompagnateur. Il y a aussi une grande richesse dans la vie de cette équipe d'animation qui se veut au service de ses frères, en cherchant à vivre ces temps de préparation et de relecture dans la simplicité et l'humilité d'une recherche commune. On se sent touché par la façon que chacun a de présenter telle ou telle parole d'Ecriture » Il est demandé aux accompagnateurs de se soumettre à une supervision, dont une partie est assurée entre les membres des équipes. On songe à la création d'un groupe de supervision ouvert aussi bien aux animateurs de la « retraite dans la vie » qu'à ceux ayant des accompagnements en lien avec la communauté.
 

Quelques réflexions sur la proposition


La proposition « Chercher et trouver Dieu en tout » paraît avoir répondu à une véritable attente qui ne s'est pas démentie depuis 1987 jusqu'à maintenant. La plupart viennent par le « bouche à oreille » plus que par la publicité faite dans les paroisses. Si, au début, le désir d'aider les gens ne pouvant prendre une semaine en dehors de leur vie familiale ou professionnelle était décisif, un autre aspect s'est fait jour. Beaucoup demandent d'être aidés dans leur vie pour chercher et trouver Dieu. Cette forme de retraite permet la conjonction de l'expérience vécue dans la prière avec tous les aspects de la vie courante. C'est un point souvent souligné.
Bon nombre ont le sentiment d'être complètement dispersés par de multiples activités, et ils expriment le désir de trouver une certaine unité de vie, centrée sur l'essentiel. Une des découvertes importantes faites durant cette retraite touche à l'image de Dieu. Certains découvrent un Dieu de bonté et de miséricorde, non plus simplement dans les mots (ici, tout le monde est d'accord !) mais dans l'expérience.
Pour d'autres apparaît la possibilité de replacer dans une perspective plus juste le sens du devoir, bon en soi mais vécu, dans certains contextes, comme destructeur. Cette retraite est le lieu d'une découverte de la forme de prière la plus adaptée à la personne. C'est aussi pour la plupart une prise de conscience, avec les quelques éléments donnés sur le discernement, de ce qui les habite et les conduit davantage vers la vie. La retraite a permis à beaucoup de faire des choix importants. Une accompagnatrice le souligne : « J'ai rencontré chez les retraitants un grand désir de savoir comment prendre du recul dans leur vie Au fil des semaines, ils sont touchés par le visage d'un Dieu de tendresse présent dans leur vie, ils entendent l'appel à passer de "faire" à "être". Ils découvrent le dynamisme donné par la prière. » « En vérité, Dieu était là et je ne le savais pas ! » (Gn 28,16). Cette exclamation de Jacob après le songe de Béthel peut exprimer la réalité vécue par chacun des participants. Dieu est présent dans notre vie. Nous avons peine à le reconnaître ; c'est un apprentissage jamais terminé, mais c'est réellement ce qui motive participants et animateurs de cette proposition.