Attendu ou surprenant, routinier ou inédit, l'événement est souvent tributaire de notre besoin de le situer et de le comprendre dans une série de causes et d'effets. Ne dit-on pas volontiers que « les événements s'enchaînent », les mêmes causes produisant les mêmes effets ? Ce penchant pour la causalité, aisément tenue pour nécessaire, voire inéluctable, diminue peut-être notre aptitude à discerner l'avènement. Je désigne ainsi ce qui ne s'enchaîne pas, et qui peut s'interpréter comme un écart ou une rupture dans l'ordre des causes et des effets répétés ou reproduits. L'avènement suggérant un à-venir, non maîtrisable par définition, cherche la connivence avec l'espérance. Mais les événements éprouvent l'espérance, et durement, jusqu'à l'usure. En cette épreuve, rien qui advienne ; reste seulement ce qui arrive, comme un matériau à l'état brut, un bloc informe, trop lourd pour être soulevé.
« Ce qui a été, c'est ce qui sera » (Qo 1,9). Le sage décape les illusions : point d'avènement de ce côté-là. Cela a valeur d'avertissement. L'espérance ne saurait s'accommoder de pseudo-nouveautés ; c'est la nouveauté qu'elle espère, et c'est tout différent. S'il revient au prophète de le rappeler, ce n'est pas sur l'air du progrès et des lendemains qui chantent ; il initie plutôt le regard à traverser le soupçon que les événements feraient porter sur l'avènement : « Ne le reconnaîtrez-vous pas ? » (/s 43,19). De ce discret point de rencontre entre événement et avènement, la naissance est un paradigme. La naissance comme événement dans la durée et comme avènement du temps :

« La naissance est originaire. Elle ne se questionne pas. S'il doit justifier sa naissance, tout homme devient "superflu". La vie humaine, d'un humain, est sans pourquoi, sans pour quoi. Cette affirmation ne la ramène pas à sa facticité biologique, mais l'en disjoint au contraire. Programmée ou non, chaque naissance est un hiatus dans l'enchaînement, un imtium, un commencement : un moment de pure liberté. Naître est temps » 1.
 
Un autre mot encore permet de le dire : nativité. S'il