Fidélité/Racine, 1998, 209 p., 145 F.

Publié près de quarante ans après la disparition de son auteur, le journal d'Etty Hillesum (Une vie bouleversée, Seuil, 1985) a laissé une forte impression sur tous ses lecteurs. Cette jeune intellectuelle juive avait vingt-sept ans en 1941.
Paul Lebeau a étudié et retraduit lui-même les huit cents pages de son journal et de ses lettres. Si la lecture linéaire du journal a une poésie, une qualité littéraire que perdent les regroupements opérés par l'auteur, le lecteur y gagne en références, en comparaisons très éclairantes. On a beaucoup souligné qu'Etty écrivait son expérience en dehors de toute « tradition », mais elle lisait énormément et aimait recopier ce qui l'avait marquée Rilke, mais aussi Augustin, l'évangile de Matthieu, des psaumes, Thomas A Kempis, Dostoïevski..., bref une culture très judéo-chrétienne.
Le grand intérêt de ce livre est de mettre en évidence la genèse, chez Etty Hillesum, de la possibilité de penser ensemble Dieu et l'Holocauste. Intuitions qui précèdent les conceptions des théologiens de l'après-Auschwitz l'expérience d'un Dieu faible et caché, auquel l'homme a la responsabilité de conserver une place tout au fond de lui-même : « Si Dieu cesse de m'aider, ce sera à moi d'aider Dieu. Peu à peu, toute la surface de la terre ne sera plus qu'un immense camp, et personne •ou presque ne pourra demeurer en dehors (...) Je ne me fais pas beaucoup d'illusions sur la réalité de la situation, et je renonce même à prétendre aider les autres. Je .prendrai pour principe d " aider Dieu " autant que possible, et, si j'y réussis, eh bien je serai là pour les autres aussi. »