« Dire oui, consentir sont parmi les formes les plus hautes du courage. Ni soumission, ni résignation, ni faiblesse de vaincu, mais respiration paisible. » Véronique Dufief souffre d'une bipolarité qui ne la lâche pas. La vie en est quotidiennement alourdie, mais il n'est pas question de déserter ni de se soumettre, ce dont elle a témoigné dans son premier livre La souffrance désarmée (Salvator, 2013). Aujourd'hui, l'auteure revendique et espère le courage d'« être là ». Non pas accueillir béatement le temps qui passe, ni s'offrir en victime. Non : « Être là, c'est aussi être soi, dans la pauvreté désarmée de l'être. » Les angoisses peuvent surgir au détour d'une existence, mais on peut résister à mains nues. Et préserver le goût de vivre : « Nul ne peut connaître le désir humain dans sa largeur, sa hauteur, sa profondeur sans avoir traversé à un moment ou à un autre le désastre de vivre sans désir. »

C'est avec une finesse souriante que Véronique Dufief décrit son quotidien : « Je passe ma vie partagée entre deux activités majeures : dormir et ne rien faire ! Entre les deux, il y a la place pour cette herbe folle, ce je-ne-sais-quoi de méditatif, de suavement brumeux qui donne tout son charme à la nébulosité profonde de mon existence. » Et pourtant : l'auteure est loin de prêcher pour l'inaction, l'acceptation passive des aléas de l'existence, la vie facile… Seulement, il lui appartient d'être bipolaire. À d'autres, il revient d'occuper telle ou telle place. D'où son interpellation : « Qui acceptera de se tenir là où il est – où qu'il soit ? Oui, le désir d'être là, et de ne rien désirer au-delà alimente en moi une immense douceur. »

Voilà un enseignement qui n'a rien d'une leçon assénée au lecteur : « Accepter d'être intensément là, poreux au monde jusqu'à la souffrance, n'est pas un geste anodin. » Ce n'est pas non plus une défaite de Dieu : « Ma foi s'est construite bien malgré moi sur le roc de la faiblesse consentie », confie encore l'auteure qui, par la petite musique de son écriture intime et convaincue, révèle quelques-uns de ses secrets : « Ne pas ajouter au bruit du monde. Mener une vie silencieuse et droite. Ne jamais laisser la tristesse déposer sa lie amère dans la coupe du jour. » Et, simplement, être là.