Tous les maîtres spirituels insistent sur l'importance de ces premiers moments de la prière et des gestes que nous posons. Saint Ignace de Loyola ne fait pas exception. Pour lui, nous disposer le mieux possible à rencontrer Dieu est indispensable. Cependant, nous ne devons jamais oublier que cette rencontre n'est pas au bout de nos efforts : elle est l'oeuvre de l'Esprit en nous et avec nous. L'essentiel est de nous laisser rejoindre dans notre désir profond.

 

"Déchausse-toi !"

 

Souvenons-nous de Moïse face au buisson ardent dans le désert et de sa rencontre avec Dieu qui le conduit à une longue conversation avec lui (Exode 3,1 - 4,18). Devant cet étrange spectacle, Moïse a un immense désir d'en percer le secret. Il s'approche et fait le tour de ce buisson qui brûle. Le voici invité à "se déchausser" ou à "se voiler la face", car la terre qu'il foule est "une terre sainte" qu'on n'habite pas n'importe comment. "Se déchausser", c'est renoncer à toute maîtrise pour se laisser rencontrer par Dieu. Isaïe dans le Temple de Jérusalem vit une expérience un peu similaire. Devant la sainteté de Dieu, il est pris de vertige et reconnaît qu'il est un homme aux lèvres impures qui a besoin d'être purifié par le feu d'une braise (Isaïe 6, 1-9). Quant à Jésus, parce qu'il est le Fils unique, il nous invite à nous situer dans une attitude filiale pleine de conscience et d'abandon, à nous laisser regarder par son Père comme réponse au regard que nous portons vers lui.

 

"Quand vous priez, n'imitez pas les hypocrites... Ils aiment qu'on les voie... Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra." (Evangile selon saint Matthieu, chapitre 6, verset 6)

 

Avec un grand respect

 

Dès le début du livret des Exercices spirituels, saint Ignace nous donne trois verbes qui désignent les attitudes dans lesquelles entrer pour être à notre juste place dans ce monde devant Dieu : "louer", "respecter" et "servir". Au début de toute prière, il nous rappelle qu'il n'y a pas d'autre lieu à nous tenir. C'est une grâce à demander à dieu afin que nous désirions et choisissions ce qui nous conduit davantage à cette justesse de relation. Ni trop loin, ni trop près.

 

"Le respect est un regard attentif et patient porté sur l'autre, un regard qui prend en compte sa singulière présence au monde, qui estime à haut prix sa valeur de vivant, un regard disposé à veiller sur lui, éclairé de bienveillance." (Sylvie Germain, journal La Croix, 30 décembre 2005)

 

→ Concrètement, comment procéder ?

Dans la vie quotidienne, chacun de nous se construit des petits rituels pour dire bonjour, pour accueillir des visiteurs, pour commencer sa journée. Et pourquoi pas pour rencontrer Dieu au coeur du quotidien ? Voici trois manières de nous disposer à la prière et nous rendre disponibles à l'invisible présence de Dieu en toutes choses.

 

⋅ Au début de nos journées 

"Demander la grâce que toutes nos intentions, mes actions et mes opérations soient purement ordonnées au service et à la louange de sa divine majesté." (Exercices Spirituels, n° 46)

 

Sitôt levés, ne laissons pas nos pensées vagabonder en tous sens. Offrons notre journée à Dieu pour que nous la vivions en sa présence, le cherchant à travers tout ce qui se présentera à nous d'agréable ou de désagréable, de facile ou de difficile, dans la peine ou dans la joie. Demandons-lui que notre vie soit tournée vers lui à la recherche de son Royaume. Que rien ne nous détourne de son service et de sa louange. Prière que nous pouvons répéter plusieurs fois dans la journée, aussi souvent que nécessaire.

 

⋅ Au début d'un temps de prière personnelle

"A un ou deux pas de l'endroit où je dois contempler ou méditer, me mettre debout pendant le temps d'un Notre Père. L'esprit levé vers le haut, considérer comment Dieu notre Seigneur me regarde, etc. ; et faire un acte de respect ou d'humilité." (Exercices Spirituels, n° 75)

 

Associer notre corps à la prière est une marque de respect. A chacun de nous de trouver les gestes les plus significatifs : se mettre à genoux, tracer lentement un signe de croix, se tenir debout, lever les mains vers le ciel, ôter ses chaussures, etc. Le tout est d'avoir conscience de ce que nous faisons pour ne pas entrer dans la routine ou prier du bout des lèvres. C'est avec tout ce que nous sommes que nous nous tenons devant Dieu et en lui. Il n'est pas extérieur à nous, il est en nous. Nos gestes sont là pour traduire concrètement ce qui habite notre coeur.

 

⋅ Au début d'un temps de prière communautaire

 

"Aujourd'hui ne fermons pas notre coeur, mais écoutons la voix du Seigneur." (Psaume 94)

Le livre de la liturgue des Heures commence toujours par un invitatoire avec le psaume 94 : "Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre rocher, notre salut. Allons jusqu'à lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête, acclamons-le." C'est ensemble que nous faisons le pas de parler à Dieu et de l'écouter. L'hymne ou le chant d'entrée nous donne le temps de nous mettre à l'unisson, de fondre nos voix et un seul chant, de devenir assemblée du Seigneur en lui et pour lui."

 

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