Plongés dans une culture qui met l'accent de manière presque exclusive sur l'expérience amoureuse, nous nous sentons très pauvres pour comprendre l'amitié. Rares sont les films ou les romans qui nous donnent des modèles, des éléments d'analyse. Et si nous cherchons du côté de la littérature spirituelle des critères de discernement ou des exemples d'amitié, nous pouvons avoir l'impression que les chrétiens n'ont rien eu à dire sur cette question, en dehors de l'inlassable condamnation des amitiés particulières. Si nous reconnaissons dans l'amitié, comme tant de nos contemporains, une expérience parmi les plus profondes qu'il nous soit donné de vivre, et que nous cherchons comment l'intégrer dans notre itinéraire chrétien, il est urgent de nous mettre à l'écoute de ceux qui nous ont précédés sur ce chemin.
Ici comme dans bien d'autres domaines, en effet, nous sommes les héritiers d'un patrimoine bien plus riche que ce que l'on affirme trop vite. En recueillant l'expérience et l'enseignement multiséculaire, il nous sera possible de mieux comprendre comment l'amitié peut être spirituelle, comment elle peut faire partie d'une vie chrétienne authentique.
 

Une longue histoire


L’amitié spirituelle
est une expression presque aussi ancienne que la pratique chrétienne de la vie communautaire. C'est en effet au IVe siècle que l'on voit apparaître ces deux termes qui vont structurer, d'une certaine manière, toute la réflexion chrétienne sur l'amitié, et en particulier l'amitié dans les communautés. D'un côté, Basile de Césarée, qui donne à la vie monastique communautaire l'une de ses premières règles : il met en garde contre Y amitié particulière 1. Mais sous sa plume,