FERNANDO ROCA ALCÁZAR S.J. Ethnobotaniste, Université Catholique du Pérou, Lima. Dernier article paru dans Christus : « Lettre du Mexique : découverte d’un peuple » (n° 177, janvier 1998).
Christus : Vous avez un parcours très original. En effet, vous avez connu au moins deux vies : celle d’un officier de marine, puis, une fois devenu jésuite, celle d’un missionnaire doublé d’un ethnologue spécialisé en botanique.
Fernando Roca : Dès ma petite enfance, j’ai vécu dans une base navale très isolée de l’Amazonie péruvienne, où mon père était officier de marine. Je me souviens d’avoir pris un avion à hélices, d’où j’ai longuement regardé de la fenêtre la confluence des fleuves Marañón et Ucayali qui donne naissance à l’Amazone au Pérou. Ma mère paniquait à cause des mygales, des vipères... Mais, pour moi, c’était le paradis. Je voyais l’Amazonie comme une mer verte, traversée par des fleuves, où la vie était partout mais surtout exprimée à travers la flore. Bien plus tard, lorsque j’ai été cadet dans la marine, nous avons fait une croisière de presque trois mois en sillonnant presque tous les fleuves de l’Amazonie péruvienne. Expérience magique ! Je regardais tout le temps la forêt, apprenant le nom des plantes, des palmiers. Le commandant me disait que j’étais fou.
Christus : Puis vous êtes devenu officier, et vous avez eu la chance de voyager tout au long du littoral et dans le monde entier…
F. Roca : Il m’est arrivé de naviguer trente jours sans toucher aucun port, et j’aimais cela. Je pouvais passer toute la nuit à la proue ou sur le pont. La mer est une immensité où l’on se sent vraiment tout petit. Une immensité avec une énergie propre, et pleine de surprises : les requins, les tortues qui passent à côté du bateau, les troupeaux de raies géantes qui sortent de la mer et planent, ou les oiseaux, les dauphins… Ou encore, durant les nuits étoilées, quand l’écume des ondes frappe la proue du bateau avec toutes les algues microscopiques phosphorescentes. Un spectacle extraordinaire. Mais j’ai aussi traversé d’horribles tempêtes. Je me sens beaucoup plus sûr dans un avion que dans un bateau : l’avion traverse la tempête en quelques minutes, ou bien il tombe ; en bateau, la tempête peut durer une semaine. La mer, comme la forêt en ce sens, exprime aussi bien la vie que la destruction de la vie.
Christus : Vous avez un parcours très original. En effet, vous avez connu au moins deux vies : celle d’un officier de marine, puis, une fois devenu jésuite, celle d’un missionnaire doublé d’un ethnologue spécialisé en botanique.
Fernando Roca : Dès ma petite enfance, j’ai vécu dans une base navale très isolée de l’Amazonie péruvienne, où mon père était officier de marine. Je me souviens d’avoir pris un avion à hélices, d’où j’ai longuement regardé de la fenêtre la confluence des fleuves Marañón et Ucayali qui donne naissance à l’Amazone au Pérou. Ma mère paniquait à cause des mygales, des vipères... Mais, pour moi, c’était le paradis. Je voyais l’Amazonie comme une mer verte, traversée par des fleuves, où la vie était partout mais surtout exprimée à travers la flore. Bien plus tard, lorsque j’ai été cadet dans la marine, nous avons fait une croisière de presque trois mois en sillonnant presque tous les fleuves de l’Amazonie péruvienne. Expérience magique ! Je regardais tout le temps la forêt, apprenant le nom des plantes, des palmiers. Le commandant me disait que j’étais fou.
Christus : Puis vous êtes devenu officier, et vous avez eu la chance de voyager tout au long du littoral et dans le monde entier…
F. Roca : Il m’est arrivé de naviguer trente jours sans toucher aucun port, et j’aimais cela. Je pouvais passer toute la nuit à la proue ou sur le pont. La mer est une immensité où l’on se sent vraiment tout petit. Une immensité avec une énergie propre, et pleine de surprises : les requins, les tortues qui passent à côté du bateau, les troupeaux de raies géantes qui sortent de la mer et planent, ou les oiseaux, les dauphins… Ou encore, durant les nuits étoilées, quand l’écume des ondes frappe la proue du bateau avec toutes les algues microscopiques phosphorescentes. Un spectacle extraordinaire. Mais j’ai aussi traversé d’horribles tempêtes. Je me sens beaucoup plus sûr dans un avion que dans un bateau : l’avion traverse la tempête en quelques minutes, ou bien il tombe ; en bateau, la tempête peut durer une semaine. La mer, comme la forêt en ce sens, exprime aussi bien la vie que la destruction de la vie.
Deux mondes que tout oppose ?
Christus : Quelle différence majeure ressentez-vous entre la mer et la forêt ?
F. Roca : En mer, on a une sensation d’amplitude, et du coup un sentiment pour soi-même. En forêt, on a la sensation d’être toujours enveloppé par la flore. N’empêche qu’on y ressent un mystère, comme en mer, qui nous questionne : d’où venons-nous ? comment tout...
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