Christus a vu son lectorat changer en profondeur depuis une quinzaine d'années : les laïcs forment désormais la majorité des abonnés, même si religieuses et religieux représentent un bon tiers d'entre eux. Si l'on peut s'inquiéter d'une telle diminution des consacrés parmi nos lecteurs, on peut aussi se réjouir de ce qu'une revue comme Christus, fortement marquée par la tradition et la spiritualité jésuites, touche à ce point des lecteurs laïcs dont on verra par la suite qu'ils ne sont pas forcément tous « ignatiens » 1. Forte de cette confiance à son égard, la rédaction de Christus a jugé important d'interroger en particulier les laïcs et les prêtres diocésains sur ce qu'ils perçoivent de la vie des religieux et religieuses, ainsi que sur leurs attentes les concernant. Cette enquête — à tous égards originale — a été lancée au premier trimestre 2005.
Nous avons suggéré à ceux qui répondraient positivement à notre sollicitation de vivre ce temps comme un « exercice spirituel », avec ce que cela signifie de calme réflexion devant Dieu. Nous avons ainsi invité nos lecteurs à d'abord faire retour sur leurs rencontres avec des religieux et religieuses, avant de nous faire part de leurs convictions et interrogations à leur sujet. Nous pensions que, selon qu'ils seraient eux-mêmes laïc(que), prêtre diocésain ou religieux(se), ils seraient davantage sensibles à tel ou tel aspect. Le pari a été gagné, et nous avons éprouvé à quel point la grande majorité de celles et ceux qui ont répondu ont su tirer profit de cette réflexion pour eux-mêmes.
A une écrasante majorité, les lecteurs (220 environ) sont très bienveillants, parce que souvent très reconnaissants, à l'égard des religieux ( ses). Ils émettent tous le souhait, plus ou moins explicitement, que les religieux restent ce qu'ils sont pour construire le présent et l'avenir de l'Eglise. Un certain nombre ont aussi manifesté leur surprise d'être interrogés sur un tel thème : « Pour moi les religieux et les religieuses sont un grand point d'interrogation, et en même temps leur action ou leur présence me sont essentiels pour suivre ma route d'Emmaûs » (une femme de 57 ans). On peut déduire de cette remarque que beaucoup, ne se sentant pas directement concernés, en sont restés au point d'interrogation...
Grande est notre gratitude envers celles et ceux qui, en répondant, nous ont permis de mieux saisir comment la vie religieuse est perçue au sein du peuple de Dieu, et, à partir de là, de tracer l'itinéraire de ce dossier. Dans les pages qui suivent, nous donnerons à lire les résultats en les ponctuant de courts commentaires et d'un certain nombre de citations. Une interprétation sur le fond est proposée à la fin de l'article. Nous avons également tenu à demander à la Commission théologique des Supérieur(e)s majeur(e)s de nous livrer son propre regard, que l'on trouvera à la suite de cet article.
 

Origine des réponses


• 118 femmes / 102 hommes. Moyenne d'âge : 62 ans. N'ont pas seulement répondu « ceux qui ont du temps » : 60 ont entre 70 et 79 ans ; 50 ont entre 60 et 69 ans ; 30 ont entre 50 et 59 ans ; 25 ont entre 40 et 49 ans ; 25 ont 80 ans ou plus.
• 161 laïcs, 27 prêtres diocésains, 29 religieux(ses). Le petit nombre de prêtres est décevant, au regard de la grande qualité de leurs réponses. Apparaît en outre une population très variée (45 personnes environ) ayant comme dénominateur commun de se situer elle-même à l'intersection de la vie laïque ou sacerdotale et de la vie religieuse laïcs consacrés, laïcs associés, oblat(e)s, diacres, prêtres appartenant à institut (GEM, Jésus Caritas, etc.), aspirants à la vie religieuse, voireancien(ne)s religieux(ses)...
• 185 abonnés, 17 non-abonnés. 30 % des réponses viennent d'Ile-de-France ; 30 % Lyon, Alpes, Sud ; 15 % du Nord et de l'Est ; 10 % de l'Ouest ; 8 % de l'Etranger ; 5 % du Sud-Ouest.

Près de 20% ont conçu leur réponse comme un véritable
« exercice spirituel » consistant à relire leur vie à travers un autre type de population, qui est digne de considération... 65 % ont pris le temps de répondre amplement. Seulement 15% ont répondu rapidement et 5% faiblement.

Des rencontres précieuses


Pouvez-vous évoquer ici en quelques mots un(e) ou deux religieux(ses) ou communautés que vous avez personnellement connu(e)s et qui ont compté dans votre vocation de baptisé(e)
?

• « Les pères » (295 mentions) Les jésuites sont cités 180 fois : formateurs, orientateurs de vie. Ils arrivent plutôt pendant un deuxième temps dans la vie des personnes (aumônerie, mariage, accompagnement, etc.). Les pères missionnaires sont mentionnés 35 fois ; les dominicains 30 ; les franciscains 20 ; autres : 40.
• « Les soeurs » (205) Soeurs enseignantes : 100 fois ; soeurs missionnaires dans la ville : 60 ; soeurs formatrices : 40 (xavières, Cénacle, auxiliatrices...). Pour les femmes notamment, insistance sur le rôle « initiatique » de ces trois figures prises comme un tout à chaque étape de leur vie. Pour les soeurs enseignantes et missionnaires, 1/3 des lecteurs ne spécifient pas le nom de congrégation.
• Les contemplatifs (140) Carmes, carmélites, clarisses : 50 fois ; bénédictin(e)s : 45 ; cisterciens : 25 ; trappistes : 10 ; autres : 10. « J'aime bien, année après année, retrouver tous les moines et soeurs des abbayes dans lesquelles je fais des retraites, au même endroit dans le choeur, avec un visage toujours aussi serein et une perception et une écoute toujours aussi attentive » (une femme de 63 ans, Saône-et-Loire).
• Les prêtres diocésains (25) Il s'agit surtout de prêtres enseignants en collège et lycée.
• Les communautés nouvelles (30 fois) Les Béatitudes (20 fois) ; 10 chacun pour le Puits de Jacob, l'Emmanuel, le Chemin neuf, les Foyers de Charité, la congrégation Saint-Jean, Fraternités monastiques de Jérusalem.

Ces communautés sont perçues avec autant d'admiration que de circonspection.
Admiration devant leur joie, la beauté et la chaleur de leurs célébrations (Béatitudes et Fraternités de Jérusalem, surtout), ainsi que devant leur zèle pastoral (congrégation Saint-Jean notamment)... Circonspection devant leur possible fermeture communautaire.

De même pour une ou deux figures ou communautés religieuses contemporaines dont l'action ou le charisme ont marqué et marquent toujours votre itinéraire de foi
î


Jésuites . 70 fois (Varillon, Ceyrac, Domergue), les dominicains 15 (Carré, Gouze) ; franciscains 10, etc.
• MèreTeresa (10), Soeur Emmanuelle (10), puis 5 chacun : Pierre Ceyrac, Charles de Foucauld, René Voillaume, Madeleine Delbrêl, l'Abbé Pierre, Jean Vanier... « pour leur spiritualité et leur profond engagement dans le siècle » (un homme de 45 ans, Vichy).
• Le Carmel (20 fois), les abbayes et monastères (20) ; 10 chacun : le Chemin neuf, les Béatitudes, Fraternités de Jérusalem, frères et les soeurs de Saint-Jean, Frère Roger et Taizé.

De même pour une ou deux figures ou communautés du passé
?

• Thérèse d'Avila (23 fois) ; Ignace de Loyola (20) ; François d'Assise (17) ; Thérèse de Lisieux (11), Charles de Foucauld (11) , Augustin (9) ; saint Dominique (6), Bernard de Clairvaux (6) ; Jean de la Croix (5), Teilhard de Chardin (5) ; Vincent de Paul (4)...

On le voit, dans l'esprit des lecteurs, la notion de
vie religieuse est étendue à des réalités qui, du point de vue du droit de l'Eglise, n'appartiennent pas à la vie consacrée proprement dite. Il en va ainsi de la mention, à côté des nouveaux instituts religieux, de prêtres diocésains ou de grandes figures laïques comme Jean Vanier, mais aussi des associations de fidèles laïcs que sont plusieurs des plus importantes communautés nouvelles. Davantage qu'une ignorance, cette extension du terme de « religieux » dit les formidables évolutions que connaît la vie consacrée et ecclésiale depuis le Concile.

D'autre part, si
Christus est une revue de spiritualité ignatienne, on découvre qu'elle est lue bien au-delà des limites de la famille ignatienne, ce qui est réjouissant pour la rédaction. Relevons l'influence essentielle des grandes figures du Carmel, et notamment de la première femme instituée docteur de l'Eglise : « Thérèse d'Avila a beaucoup compté dans ma vocation de baptisé et dans la compréhension que j'ai eue de ma propre vocation. (...) Pourquoi ? Parce qu'au milieu de mille difficultés à surmonter Thérèse "tient la route", et sa compréhension des situations lui permet d'accepter l'Eglise telle qu'elle est autour d'elle, tout en témoignant sans compromission de sa propre foi, réalisant ainsi une admirable synthèse entre l'être et le faire » (un homme de 76 ans, Saint-Etienne).

L'écoute et la prière, lieux de relations vivifiantes


Etes-vous actuellement en relation avec des religieux ou religieuses ? Si oui, pourriez-vous nous indiquer dans quel contexte : Accompagnement spirituel ; caritatif
; éducation ; formation ; pastorale ; prière et contemplation ; retraites et ressourcement ; santé ; autres... ?

Accompagnement spirituel
: 100 mentions ; retraites et ressourcement : 100 ; prière et contemplation : 75 ; formation : 60 ; pastorale : 60 ; caritatif: 25 ; éducation : 25 ; santé : 15.

Comment appréciez-vous leur action ou leur présence dans le monde et la société ?


Les lecteurs mettent en avant Uois caractéristiques des religieux :
• La prière (160 mentions), reliée parfois à la contemplation (60).
Vécoute (100), reliée à la présence (100), au témoignage de vie (100), à l'exemplarité (30), à la proximité (90). L'écoute est aussi reliée, dans un second temps, à la joie et au rayonnement (60), à l'accueil (80), à la simplicité (40), à la liberté (40), à l'ouverture spirituelle et intellectuelle (80). Par exemple, une femme de 54 ans nous écrit de Mulhouse-: « J'apprécie leur écoute des besoins des hommes et leur façon de se mettre au service des autres sans discrimination ; les jésuites m'ont appris la relecture, ils m'ont aidé à discerner et à résister dans le combat spirituel. Les moines trappistes m'ont appris la prière des psaumes ; les frères et les jésuites, la prière et l'oraison, la méditation. »
L'action (65) reliée à la formation (60), à la qualité relationnelle ou à l'approfondissement (45), à l'efficacité (20).
 

Une radicalité évangélique spécifique ?


Etes-vous témoin d'une radicalité évangélique spécifique dans la vie des religieux(ses)
? Si oui, dans quel domaine, à quel niveau ?

C'est la question qui a posé le plus de problème aux lecteurs. Un tiers ne répond pas. Ceux qui répondent associent la radicalité (plus ou moins bien vécue) à :
• La communauté (120 mentions) : vie et mise en commun, témoignage ; reliée au service (80) au sein de la communauté, dans le service paroissial et auprès des pauvres ; puis, à un degré moindre, au respect (25), à la fraternité (30). La qualité de la vie fraternelle est interrogée, des « contre-témoignages » critiqués.
• Le don (90) : vie donnée, don total, sacrifice (notamment pour les contemplatifs) ; il est relié à l'appel missionnaire (60) et à la mission dans le monde (70). Ses principaux fruits sont l'abandon (10), la gratuité (10) et l'abnégation (10). Le don est synonyme d'amour (70), d'engagement (85) dans la société, dans la cité, par les voeux (surtout pour les contemplatifs), de suite du Christ (30).
• La pauvreté (80), singulièrement pour les contemplatifs. Moins mise en avant à propos de la vie des religieux apostoliques, sauf pour les communautés « enfouies » comme les Petites soeurs de Jésus (très populaires), etc. Accueillir le pauvre en tant que pauvre, pauvreté matérielle dans une société de riches, avec l'exigence (10) que cela signifie, l'ascèse (10), « tout quitter » (10). On peut associer à ces termes « la liberté des enfants de Dieu » (40) dont témoignent les religieux, porteurs d'espérance (10), avec une certaine radicalité de pensée (10). La chasteté (25) et l'obéissance (30) sont simplement mentionnées, sans commentaire approfondi.

On notera la valorisation du
don, qui est une façon de reprendre sous un terme unifié la totalité de l'engagement religieux, perçu notamment dans sa dimension d'une vie communautaire et de la pauvreté.

Faites-vous des distinctions entre les familles ou les congrégations dont dépendent les religieux(ses) que vous connaissez de près ou de loin î Si oui, lesquelles ?


Un tiers esquive la question en répondant simplement oui ou non sans commentaire.
Les jésuites sont nommés 65 fois, comme point de repère ou de différenciation d'avec les autres religieux. On souligne leur attachement à une formation humaine, à la réflexion, à la dimension d'intériorité. Leur sont associées xavières, auxiliatrices et religieuses du Cénacle. On caractérise les jésuites comme des religieux plus personnels et plus indépendants que les autres, tandis que, par contraste, les dominicains sont dits plus communautaires et plus théologiens, et les moines, plutôt tournés vers la liturgie et la conservation des traditions. Quelqu'un fait la distinction entre « les religieux qui ont une vie dans le monde (sj, xavières), les communautés vivant à l'écart (monastères) et ceux qui sont engagés dans l'action (santé, social) ».
Cette demande de distinguer entre les familles religieuses provoque un malaise. On perçoit chez les lecteurs comme l'obsession de conserver l'équilibre existant entre différentes dimensions de la vie religieuse : ils ne veulent surtout pas diviser (se diviser eux-mêmes ?). Ainsi, une femme de 73 ans nous écrit de Lyon :
« Avec les dominicains, j'ai découvert plus spécialement le Christ engagé dans l'histoire, m'incitant à faire appel à ma volonté pour m'engager à mon tour ; avec les jésuites, j'ai découvert toute une dimension intérieure, l'immensité de mes limites, le reflet du volontarisme, la nécessité de l'abandon. Les bienfaits de l'accompagnement pour discerner. »

Des guides spirituels et des témoins du Christ


Vous sentez-vous concerné(e) dans votre vie personnelle par ce que vivent les religieux ?

• 1/4 ne répond pas.
• Ceux qui sont concernés par ce que vivent les religieux le sont parce que ces derniers sont des guides spirituels (40 fois) : « fîs nous rappellent à la vie intérieure », « ils sont un appel à la présence discrète, ressaisie dans la prière communautaire ».
• Ce sont des témoins du Christ (35), vivant une vigilance par rapport au monde, aux pauvres. Ce sont des édaireurs. Il y a une certaine insistance sur le fait qu'ils sont ou doivent être des exemples (20), dans le cadre notamment de la vie intellectuelle (10), mais aussi de la vie quotidienne : « La fidélité dans le mariage est liée à la fidélité dans la vie religieuse et la vie de foi tout court : c'est un peu un défi aujourd'hui où l'environnement privilégie le tout, tout de suite » (une femme de 62 ans, Paris).
• Ce sont des partenaires (20), écrivent les plus jeunes • réciprocité, soutien mutuel entre baptisés. 15 mentionnent le lien réel que les religieux et les laïcs vivent dans la prière, « manifestation de la communion des saints ».
• La crainte de la disparition des religieux(ses) revient régulièrement (15 fois clairement) : « D'eux dépend en partie la vie de l'Eglise. » A quels appels, attentes ou besoins, dans la société et dans l'Eglise, les religieux pourraient selon vous le mieux répondre ? Ecoute ? Initiation à la prière ? Service paroissial ou diocésain ? Transmission de la foi ? Autres ?
La formation à la vie spirituelle, l'initiation à la prière, revient 80 fois (avec une nette insistance sur les lieux de prière à maintenir) : « Accueil, écoute, retraites, initiation à la prière, particulièrement pour ceux qui ont du mal dans nos paroisses. C'est un bon complément, en tout cas un autre lieu d'Eglise » (un prêtre de 70 ans, Hauts-de-Seine). Lui sont reliés l'écoute (90) et le service auprès des pauvres (15).
• La transmission de la foi, plutôt entendue comme transmission de la Parole (70) : on attend des religieux qu'ils forment à l'intelligence des Ecritures.
L'évangélisation au sein de la culture, la beauté (20). C'est un point à remarquer, car notre question ne mentionnait pas cet élément. « Il y a aujourd'hui une recherche, une "faim" de Dieu qui ne sait pas se dire ; souvent les jeunes générations sont devenues (en peu de temps) analphabètes, mais non sans désir. Je ne crois pas que le service paroissial ou diocésain réponde à cette faim» (une femme de 55 ans, Paris).
Témoins du Christ (35), témoins d'humanité, vie fraternelle, joie. Même remarque que précédemment.
Le service pastoral, paroissial, est cité 20 fois, de façon tranchée (pour ou contre).

Même s'ils étaient aussi invités à répondre, les lecteurs religieux (un tiers des abonnés à la revue) ont perçu combien l'enquête visait prioritairement les autres baptisés. Leur silence, aussi respectueux que massif, peut être compris comme une façon d'entrer en dialogue avec les laïcs sur la vie religieuse : il s'agit d'abord d'écouter des perceptions avant de prendre la parole à leur tour ! N'est-il pas significatif que les quelques religieuses et religieux qui répondent à l'enquête mettent en avant l'écoute, la prière et la communauté, comme chemins d'expression de leur consécration et de l'union à Dieu qu'ils
sont appelés à vivre, en témoins de la fidélité de Dieu ?... Une enquête a été réalisée en 2004 par le Service National des Vocations auprès de 307 novices français (33 ans en moyenne), hommes et femmes. Les dimensions qu'ils soulignent consonnent avec les réponses apportées par nos lecteurs : les aspects les plus déterminants sont, au-delà de la spécificité de l'institut choisi (18 %), la vie communautaire et fraternelle (19 %), la vie de prière et d'oraison (18 %), l'équilibre ou l'unité de vie (14 %), le silence et la solitude (12 %), de belles liturgies (9 %), le don total et la radicalité (9 %).

L'estime des prêtres diocésains


Au sein des résultats généraux, les réponses des prêtres diocésains se particularisent de la sorte :
• Moyenne d'âge : 62 ans (toutes les catégories d'âge représentées après 40 ans). Ils proviennent de toute la France et de l'étranger. Seulement 27 ont répondu.
• Jugement est d'abord porté sur l'engagement pastoral des religieux( ses). Grande estime pour leur esprit de partage, de complémentarité ou de compagnonnage avec eux, prêtres diocésains : « Ils ne tiennent jamais [leur engagement] dans le même esprit que nous autres ou que les laïcs, quoiqu'il soit difficile de distinguer ce qui vient de leur personnalité ou de l'esprit, de la vocation de leur congrégation ».
• La plupart reconnaissent que les religieux « peuvent le mieux répondre à un ministère d'écoute et d'initiation à la vie spirituelle et à la prière ». Rappel de l'unique nécessaire par leur vie simple, leur disponibilité.
• La plupart reconnaissent aussi aux religieux(ses) une grande faculté d'adaptation au monde contemporain à travers tous ses changements, et donc une compréhension aiguë des problèmes de société : « Aider à une approche plus simple de l'Evangile qui soit découverte de Jésus Christ ; relecture de vie ; attention aux grandes pauvretés ; attention à la culture d'aujourd'hui. »
• De façon plus nette que chez les laïcs, les prêtres insistent sur le rappel à la contemplation, à la prière, au silence, à la vie fraternelle, que la présence des moines et moniales (« poumons du diocèse ») assure dans leur vie.
• Revient souvent la tristesse de voir des maisons religieuses fermer, tant elles sont un stimulant et un soutien précieux pour la pastorale d'un diocèse.
 

Quelques impressions d'ensemble


Une reconnaissance pour les femmes et les hommes consacrés
De la lecture des quelque deux cents réponses à l'enquête, demeure le sentiment de gratitude exprimée par beaucoup à l'égard de religieuses ou religieux qui ont compté dans leur histoire. Des dizaines de noms émergent, comme une façon de dire une dette à l'égard de ces hommes et de ces femmes qui ont joué un rôle décisif par leur influence dans l'enfance, à l'école, ou plus tard, à un tournant de la vie. D'autre part, ceux et celles qui éprouvent le besoin de répondre sont en relation avec des religieux : la réponse à la deuxième question le confirme. Ce ttavail de mémoire a pu permettre de parler de la vie religieuse en des termes concrets, chargés d'histoires personnelles et universelles, des histoires de rencontre.

Témoigner de l'essentiel
Reviennent sous la plume des lecteurs les mots de « témoignage », « appel », « signe », « aide ». Les religieux « sont témoins d'un essentiel absolument dynamisant pour ma propre vie de laïque », « "un signe" que d'autres regards sont à porter sur notre vie », « signes de la prière et de la parole de Jésus le Fils du Père par l'Esprit ». Car ils sont « habités, dociles à la vie de l'Esprit, capables de partager un combat avec moi et de me renvoyer au monde en ayant repris contact avec l'essentiel ».
Au fil des réponses, il est frappant de constater combien le rapport des religieux au monde renvoie chaque baptisé à ce qu'il désirerait vivre à la suite de Jésus : « être du monde sans être du monde », « croire en Dieu malgré le monde, dans le monde. Ce n'est pas spécifiquement le fait des religieux, mais leur vie communautaire invite à la prière comme une présence de Dieu tous les jours à tout instant dans notre ville et dans nos vies. Ces hommes en vivent, on le voit ». Enfin : « Je ne conçois pas un monde sans les ordres religieux qui par leur seule présence nous rappellent à l'essentiel. »

Radicalité vécue par le peuple de Dieu
Quand bien même ceux qui connaissent de près les religieux peuvent questionner la « radicalité » effectivement vécue, une attente forte se manifeste : « Ils témoignent que l'on peut vivre de pauvreté, chasteté, obéissance dans ce monde d'argent, de sexe, de pouvoir ; c'est dire que le Royaume existe, ici et maintenant. Sans cela, où irions-nous ? » Plus profondément : « Signe de la radicalité de l'appel du Christ, ils me rappellent constamment que cet appel est aussi appel pour moi, que j'ai à discerner la manière de l'incarner dans ma vie de laïque professionnelle, familiale, dans ma vie spirituelle. » Dans le même sens, un prêtre écrit : « Vision contemplative de la réalité, contact avec le réel moins pragmatique : c'est l'occasion d'une complémentarité avec les prêtres. Clausura : rappel à l'essentialité de la vie chrétienne. Rappel à la contemplation, à la vie fraternelle, au silence. »

***

Une précédente enquête de Christus (1998) soulignait l'importance croissante de la prière pour les laïcs depuis une vingtaine d'années — la prière comme porte d'entrée dans la vie spirituelle. Cette nouvelle enquête montre que beaucoup de laïcs recherchent, avec une même intensité que les religieux, mais à leur manière, les moyens d'une vie spirituelle authentique à la fois dans la prière et l'action. Leurs joies comme leurs combats se lisent « en creux » dans les requêtes qu'ils expriment à l'égard de la vie religieuse. En mettant l'accent sur la vie communautaire et la pauvreté choisies par les religieux, les laïcs parlent de l'idéal de vie chrétienne qui les anime : comme baptisés, ils veulent être dans le monde sans en être, ils cherchent à être davantage libres, face aux pressions de tous ordres de la société, au milieu des formes actuelles de déliaison sociale, d'anonymat, de relativisme jusque dans l'Eglise. Ils demandent à ces consacrés, en qui ils reconnaissent des exemples de la fidélité au Christ, de les écouter et de les former à la vie dans l'Esprit. Car ils ont conscience que l'expérience de Dieu, désormais au centre de leur vie, a besoin d'être éduquée. Ils découvrent alors une sensibilité ecclésiale et spirituelle qu'ils partagent avec d'autres 2.




1. La composition de l'équipe rédactionnelle de la revue reflète elle-même cette étroite collaboraUon entre religieux et laïcs le rédacteur en chef est jésuite, le rédacteur en chef adjoint, mané , le comité de rédaction comprend à l'heure actuelle un jésuite, une religieuse xavière, une consacrée de la communauté saint François-Xavier, trois femmes et un homme mariés
2. Nous tenons à remercier vivement ceux qui nous ont aidé à préparer l'enquête, puis, par leurs réacuons, le présent dossier
• Tout d'abord le groupe de laïcs et de prêtres diocésains que nous avons réunis par deux fois Agnès Antoine, Franck Damour, Antoine Exelmans, Natahe Héron, Françoise Muckensturm, Brigitte Picq, Jean-Pierre Rosa et Robert Scholtus
• Ensuite, le groupe de consacrés réunis pour réagir à l'enquête soeur Anne-Cathenne, Luc Crepy, Hélène Daccord, Anneth Cillet, Etienne Gneu, Marguerite Lena, Adeline Marc, soeur Marie-Madeleine, Edouard O'Neill, Patrick Prétot, Bruno Régent et Etienne Veto
• Enfin, le groupe d'enseignants du Centre Sèvres réunis aussi pour réagir à l'enquête Marie- Emmanuel Crahay, Adrien Demoustier, Alain Feuvner, Marie-Françoise Gérard, Philippe Lécnvain et Dominique Salin