Un jour, dans une église, saint Antoine l'Egyptien, qui allait devenir « le père des moines », entendit la parole de l'Evangile : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres, et viens, suis-moi, tu auras un trésor dans le ciel. » Touché, comme si la lecture avait été faite pour lui, Antoine met la parole en pratique. Ainsi commence, de manière repérable, la vie monastique, et avec elle la vie religieuse : une expérience spirituelle fait surgir peu à peu la forme de vie dans laquelle elle s'accomplit. Ainsi commence aussi toute fondation. Ainsi commence encore toute vie religieuse : poussé par le feu d'une rencontre qui l'appelle, quelqu'un vient chercher auprès d'autres une mise en forme de sa vie pour que l'expérience de la rencontre décisive avec le Seigneur s'incarne, se déploie, s'étoffe, se partage, demeure en chemin.
Mais le passage d'Evangile qui a eu sur Antoine un tel effet, et a par la suite été maintes fois repris comme parole emblématique pour la vie religieuse, serait-il réservé aux religieux, comme s'ils étaient seuls en mesure de l'accomplir véritablement ? Les religieux ne peuvent s'arroger en propre aucune page d'Evangile qui « justifierait » clairement leur existence. Et le temps n'est plus, heureusement, où l'on pouvait se contenter, pour parler de la vie religieuse, de l'affecter d'une série de « plus » qui la mettaient au-dessus de la vie chrétienne « ordinaire » ! Cela veut-il pourtant dire qu'il n'y ait pas une expérience spirituelle propre à cette vocation ? Quels peuvent être les traits de cette expérience ?
 

Une manière propre de choisir le Christ


Bien sûr, l'Evangile est tout entier pour tous, et la suite du Christ n'établit ni rang de préséance, ni hiérarchie entre les vocations. Lorsque le Christ se donne, le ferait-il en graduant le don de sa vie, en n'ouvrant pas à quiconque veut le suivre l'intime de sa relation au Père ? De notre côté, en réponse à ce don total, est-il possible