Lethielleux, 2003, 262 p., 18 €.

Elie compte sans doute parmi les plus religieuses des figures bibliques : ce prophète incarne viscéralement ce monde porteur des trois monothéismes historiques, figure attachante et passionnée de l'attestation de Dieu. Mais Elie est aussi un être spirituel, figure emblématique de la cabale juive, le visionnaire par excellence. C'est la vie intérieure de cet être spirituel (j'écris bien être, car Elie n'est pas un spirituel, il est spirituel) qu'avec son écriture à la fois flamboyante et intense, forgée sans doute sous le signe du buisson ardent, Claude-Henri Rocquet nous narre. Une narration, un midrash, de la transformation d'Elie mis en face de Dieu, et de la transformation de Dieu mis en face d'Elie.
Dans sa narration de la vie intérieure d'Elie, de l'Horeb à l'enlèvement sur le Char, l'auteur quête les traces de la « conversion de Dieu », conversion de Dieu à Lui-même peut-être, une conversion qui suit Elie comme une vocation, entraînant tous ceux qu'il croise. Et là réside l'autre force de ce livre, celle d'exhausser ces figures que l'on enjambe selon l'habitude, de s'arrêter auprès de ces petits de la Bible, signes de la contre-histoire menée par Dieu dans les souterrains de nos humanités et de sa divinité — telle la veuve sans nom de Sarepta, tel le vigneron Naboth, car « toute la gloire d'Elie est pour mettre en lumière l'humble et l'obscur Naboth ».
Ce récit de la geste prophétique comme événement spirituel est un livre rare, où l'écriture approche la parole, née d'une vision héritée, portée dans la chair, devenue personnelle, et restituée à tous.