Un grand éducateur jésuite du collège de Saint-Étienne, au lendemain de la seconde guerre mondiale, le P. Pierre Lyonnet, qui a laissé une trace indélébile en ceux qu'il a formés, écrivait : « Il est infiniment plus passionnant et plus important de se pencher sur l'âme d'un enfant, qui peut-être sera un saint ou qui peut-être sera infidèle à la grâce divine, et personne n'en aura rien su, que de savoir à quelle issue nous conduisent le choc des armes et la politique, parce qu'en définitive le sort du monde est entre les mains du premier, de cet enfant » 1.
Pareil texte nous invite à un renversement de nos appréciations spontanées sur les événements et à une conversion de notre attitude devant l'avenir. Au-delà de l'optimisme et du pessimisme, de la crainte et de l'espoir, l'éducation, cette manière de « se pencher sur l'âme d'un enfant » pour lui permettre de prendre corps, de « venir au monde », ouvre la voie étroite de l'espérance. Quand « le choc des armes et la politique » invitent à douter de l'homme et de l'avenir, il arrive, comme l'a vu Hannah Arendt, que toute l'espérance du monde se réfugie dans la merveille de la « natalité », entre les mains et dans le regard des enfants 2. Parce qu'elle se tient au plus près de ce mystère de « natalité » qui ne cesse d'ouvrir l'histoire des hommes à l'inédit de Dieu, l'éducation est une mise en exercice de l'espérance. Certes, elle n'est pas une tâche facile. Mais l'espérance est toujours une réponse à des situations d'épreuve, et elle est à l'aise là où il y a de grandes fins à viser et à atteindre. C'est bien le cas en matière d'éducation.

Un lieu d'espérance


Pour saisir l'affinité naturelle qui relie l'éducation à l'espérance, il suffit de s'attacher aux caractères essentiels de cette dernière qui la différencient de l'espoir et en font la structure d'accueil de la vie théologale.
Toute espérance porte sur l'avenir, c'est-à-dire sur ce qui n'est pas encore là, un invisible dont elle affirme résolument la promesse, des possibles inédits qu'elle contribue mystérieusement à actualiser. D'autre part, l'espérance est toujours en relation avec les puissances du désir. Espérer, c'est toujours attendre un bien, mais le plus souvent un bien indéterminé, qui ne se laisse pas circonscrire en tel ou tel objet précis, qui les englobe et les dépasse en une sorte d'audace à la fois humble et