Après le « tout politique » des années soixante-dix, nous voilà entrés dans l'ère du « tout psychologique ». Le psy, en effet, envahit l'espace médiatique et un nouvel impératif cherche à s'imposer : être bien dans sa peau ! La santé, premier souci de nos contemporains, gagne de proche en proche la dimension psychique de l'existence. Quête du bonheur, ici et maintenant, sur cette terre Ce n'est pas que notre civilisation soit devenue hédoniste. Les signes sont nombreux d'une recherche de sens et de valeurs, et d'un effort d'humanisation. Mais justement, cette humanisation semble avoir consacré le développement harmonieux de la vie psychique comme la spiritualité de notre temps. Et les religions sont elles aussi convoquées pour apporter leur eau à ce moulin.
Il s'ensuit une grande confusion, dont les dérives touchent aux marges de l'Église Sans doute, la vie spirituelle ne se développe qu'à travers le psychisme humain, mais elle ne se confond pas avec lui. L'enthousiasme n'est pas de même étoffe que la consolation du Saint-Esprit et la déprime n'a pas même origine que la désolation. Distinguer pour unir, sans confusion ni séparation, est devenue tâche urgente
A cela, la psychologie peut aider, à sa place Les grands spirituels, comme Jean de la Croix ou François de Sales, étaient de remarquables connaisseurs de l'âme humaine Et leur sens affiné savait viser juste : ce qui, à leurs yeux, est à guérir en l'homme, ce n'est pas d'abord le handicap psychique, symptôme d'une histoire malheureuse qui relève d'une autre médecine. Ce qui est malade c'est la liberté humaine elle-même dans sa relation à Dieu et au prochain ; c'est la défiance, qui a sa racine dans une foi trop fragile ; c'est la violence, qui s'alimente à la jalousie ; c'est cet amour-propre toujours renaissant qui, pour mieux se déguiser, s'insinue sous l'apparence du bien dans les entreprises les plus louables.
L'invasion des recettes psychothérapeutiques conduit à la fausse persuasion que, malades ou blessés, nous sommes tous des victimes : c'est la faute à Voltaire c'est la faute à Rousseau ! Et nous voilà loin de cette humble reconnaissance devant le pardon de Dieu de notre propre responsabilité dans le mal qui ravage le monde, et dont chacun se fait trop souvent le complice avant d'en être la victime Ce serait peut-être cela qu'il conviendrait de faire venir au jour, en méditant la Parole de Dieu. Lui seul, et sa grâce, peut éclairer le fond ténébreux de l'âme et lui rendre, avec la louange et l'amour, sa capacité de décision et de service désintéressé.